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III

L’idée logique de n’exiger de la voix que le rôle secondaire de dispensateur de force au lieu de la prendre comme unique source d’énergie avait déjà été mise à contribution par le physicien de New-Jersey. C’est la même idée qui domine l’appareil dont il nous reste à nous occuper. Je ne crois pas que jusqu’ici l’aérophone ait jamais été produit en public ; aussi son existence, si merveilleuses sont les applications qu’on en pourrait espérer, ne peut-elle rencontrer quelque crédit que grâce au nom de son auteur. L’aérophone doit permettre, lorsqu’il aura reçu ses derniers perfectionnemens, d’amplifier tellement les sons qui lui seront confiés qu’il deviendra possible de les entendre à plusieurs kilomètres de distance, et cela directement, sans autre secours que celui de l’oreille. Les compatriotes de l’inventeur, qui saisissent si promptement le côté exploitable, la valeur commerciale d’une donnée scientifique, nous font entrevoir déjà un paysage des plus fantastiques où les sons du nouvel appareil se croisent dans tous les sens : les locomotives ont abandonné le sifflet à vapeur, le mécanicien parle simplement devant l’aérophone, et chacune de ses syllabes est lancée à toute volée dans les airs avec assez de force pour être distinguée à plus d’une lieue à la ronde. — Les phares sont pourvus d’instrumens semblables. Les navires en vue de la côte pourront recevoir, plus facilement que par des jeux de lumières, toutes les indications géographiques et météorologiques qui les intéressent à un si haut degré. — Un discours peut être prononcé devant l’assemblée la plus nombreuse. — Un officier peut commander sans estafettes, et avec l’unique secours de sa voix, jusqu’à des millions d’hommes, et gagner ainsi un temps précieux dans l’exécution des mouvemens stratégiques.

Nous ne nous arrêterons pas à discuter les exagérations d’un pareil tableau ; mais nous voulons établir que, du moins en principe, l’accomplissement à venir de ces prodiges ne constitue pas une impossibilité absolue. Pour, notre part, nous n’oserions certes affirmer que de telles espérances soient faites pour demeurer éternellement dans le domaine de la fantaisie.

Lorsqu’un tuyau d’orgue fait entendre une note, c’est qu’il fournit par seconde un nombre déterminé d’expulsions d’air. Si la masse d’air chaque fois mise en mouvement est considérable, le milieu qui l’environne est ébranlé avec plus de force, et devient capable de propager ses ondes à une plus grande distance. C’est ainsi que les gaz de la poudre qui prennent naissance dans l’âme d’un canon causent un bruit des plus violens qu’on connaisse. Leur