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un discours d’une manière intelligible. Toute exclamation trop forte, toute consonne lancée brusquement détruit la continuité des variations du courant et ne fait parvenir dans le récepteur qu’un son dépourvu de tout caractère. Afin d’éviter les accidens de cette nature, il convient de se placer à une certaine distance de l’appareil. La couche d’air ainsi interposée entre la planche vibrante et la personne qui parle amortira la vivacité des syllabes trop sèches et rendra possible leur transmission régulière. Cet inconvénient n’existe qu’en apparence, et constitue même, si nous pouvons nous exprimer ainsi, le principal mérite de la disposition signalée par M. Hughes. Le téléphone Bell, le transmetteur d’Edison, doivent en effet être portés près des lèvres, si l’on veut s’en servir pour l’expédition d’une dépêche orale. Comme nous l’avons dit, on peut être séparé du microphone par une distance de plusieurs mètres. Sans se déranger, on s’adressera à la planche de sapin comme on se tourne vers un interlocuteur ordinaire. Jusqu’à présent, le microphone réalise donc le premier appareil capable de recueillir et de transmettre une véritable conversation tenue entre un nombre quelconque de personnes, sans nécessiter la moindre intervention technique de leur part. Il importe cependant d’ajouter que, pour atteindre ce résultat, il est indispensable d’isoler soigneusement l’appareil de toute trépidation extérieure. Une porte brusquement ouverte, une voiture passant sous les fenêtres de la chambre où l’on expérimente, causent un violent désordre dans l’économie des contacts du carbone, et ne font produire au récepteur que les bruits les plus incohérens. Une pendule placée sur la même table que le microphone rendrait difficile la transmission de la parole. Mais ces troubles se font bien moins sentir si l’on a soin de faire reposer l’instrument sur un tapis de feutre, ou, mieux, sur un coussin de plumes. Ce tapis, ce coussin feront fonction d’écrans. Ils empêcheront les vibrations qui viennent du dehors d’exercer leur influence sur la planchette autrement que par l’entremise de l’air, et cette condition suffit pour obtenir un fonctionnement très passable de l’appareil du professeur Hughes.

Si le téléphone Bell avait assez de puissance pour graver sur une feuille d’étain les discours qui lui viennent du microphone, nous pourrions dès maintenant nous occuper de construire de vrais sténographes automatiques. Malheureusement ce n’est pas le cas ; et pour arrivera donner la force nécessaire à la membrane réceptrice, c’est encore à une nouvelle conception d’Edison que nous devons avoir recours.