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les lèvres contre la membrane pour obtenir le gaufrage de la surface d’étain rend cette application impossible dans l’état présent des choses. Mais nous verrons par la suite qu’il ne faut pas trop se presser d’abandonner cette ingénieuse idée. Grâce à la combinaison du phonographe et de deux appareils que nous décrirons plus loin, le phonosténographe est dans l’ordre des probabilités. Et de combien d’applications intéressantes celle-ci pourrait-elle devenir la source ! Un interrogatoire criminel ainsi phonographié, si ce néologisme nous est permis, mettrait le prévenu dans l’impuissance de se dédire, puisque c’est le son même de sa voix qu’on lui ferait entendre. Les dernières volontés d’un malade impotent acquerraient une autorité bien supérieure à celle que l’acte le plus paraphé est capable de leur donner.

II.

Il n’est pas rare de voir l’idée la plus originale et en apparence la plus inattendue éclore presque en même temps chez un grand nombre de personnes. Il semble parfois qu’on se soit donné le mot pour aboutir à une même création, que cette création soit d’ordre littéraire ou d’ordre scientifique. Il est fort probable que, par l’association naturelle des idées, on se trouve conduit accidentellement à suivre des directions convergentes. Sans qu’on s’en doute et le plus innocemment du monde, on peut ainsi se rencontrer sur le même terrain. Il n’est pas facile de remonter le cours des pensées. Celui qui regarde en arrière est dans l’impossibilité de se reconnaître dans le dédale inextricable qui s’offre à ses regards. A notre époque, les communications fréquentes et rapides mettent sans cesse les mêmes mémoires, les mêmes publications sous les yeux des personnes intéressées à les compulser. Il n’est pas d’idée spontanée ; une idée succède toujours à une autre. Il ne faut donc pas s’étonner outre mesure si deux hommes, séparés par une distance considérable, sont frappés à la fois du même détail, à leur insu bien souvent. Nous ne pourrions expliquer autrement que, depuis une année à peine, un certain nombre de physiciens aient dirigé séparément leurs efforts sur le problème de l’inscription de la parole, alors qu’il n’y a pas deux ans personne n’y songeait.

Le même fait s’est produit au sujet du téléphone articulant. Graham Bell, Elisha Gray, C. Varley, Edison, se sont tous occupés, et par ides moyens très différens de transmettre électriquement la voix à distance. Bell, qui dans ce steeple-chase avait été le premier arrivant, ne s’était aucunement servi de piles. Il restait donc une nouvelle direction à explorer ; Th. Edison s’y engagea aussitôt, armé de toutes les ressources de sa puissante imagination ; Au mois de