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symphonie intitulée : la Bataille d’Actium, d’un scherzo-orgie, et d’une marche funèbre. Représentée à Rome, au théâtre Valle en 1877, la Cléopâtre de M. Pietro Cossa valut au jeune auteur de ces intermèdes un succès d’enthousiasme que les applaudissemens du public parisien viennent de ratifier. M. Mancinelli n’a pas trente ans, et déjà sa renommée commence à compter. Qui l’empêche de pousser dès aujourd’hui son succès plus loin et de compléter l’aventure ; après avoir si brillamment écrit des intermèdes pour la tragédie d’un autre, pourquoi ne ferait-il pas de cette tragédie un opéra : sa Cléopâtre ? Un tel sujet, si beau qu’il soit, ne dépasse ni son talent ni son inspiration ; il a l’éclat et la richesse de l’instrumentation moderne, il a le savoir et l’instinct du style ; c’est assez pour que Shakspeare et la Grande-Reine lui viennent en aide.

Tout le monde connaît le triste rôle que notre musique française joue au Trocadéro ; il n’y a malheureusement pas d’illusion à se faire là-dessus. Mais si nos concerts symphoniques n’éveillent aucun intérêt, que dire de ce qui se passe pour nos matinées de musique de chambre, hélas ! bien autrement délaissées toujours par suite de la mauvaise organisation des choses ? Se figure-t-on des séances de quatuor uniquement ravitaillées par nos propres ressources, qui sont, chacun le sait, des plus modiques en ce genre ? Exclure délibérément de la partie Haydn, Mozart, Beethoven, Weber, Schumann, etc., c’était non pas ouvrir aux nôtres un plus libre espace, mais de gaîté de cœur créer le vide. Pour quelques œuvres vraiment distinguées que nous possédons en musique de chambre, les Italiens, les Allemands en comptent des centaines. Eux présens, les matinées eussent pris un intérêt, une variété dont nos compositeurs auraient profité tout les premiers. Au lieu de cela qu’arrive-t-il ? La salle est déserte, et des noms assurément recommandables, mais sans attrait pour le public, sont à demeure sur l’affiche. Dès l’abord de cette Salle des Conférences, le froid vous gagne ; impossible d’imaginer un local répondant moins à cette. idée de plaisir discret et commode, d’honnête et parfait confortable qu’éveille au cœur d’un dilettante pratiquant ce simple mot de musique de chambre ! On se croirait dans le vestibule abandonné d’un hôtel des ventes. Des murailles nues, des chaises de paille, une estrade que recouvre à peine un maigre tapis ; c’est délabré, c’est lamentable ! On se tait pourtant, on écoute par respect pour les artistes d’un si beau courage qui apportent à l’interprétation d’œuvres souvent médiocres la même ardeur et le même soin scrupuleux qu’ils mettent à jouer du Beethoven. Heureusement parmi les compositions qui se succèdent toutes ne se ressemblent pas, et, si l’on en compte tant et plus d’insignifiantes, il faut en citer quelques-unes de remarquables, et tout de suite, en première ligne,