Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/684

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Écoutez-les dans l’ouverture de Zampa se prendre au motif religieux qui succède à l’orgie entraînante du début ; à cette émotion sainte, à ce pathétique, un vague mysticisme vous pénètre, il vous revient un vague souvenir du XIe chant du paradis dantesque, vous avez des visions de sanctuaire que l’orgue emplirait d’harmonie et dont les vieux murs croulans seraient peints par le Giotto ou le Giottino. Je doute que cette magnifique symphonie d’Hérold puisse rencontrer une exécution plus brillante à la fois et plus émue. Je l’avais entendue quelques jours auparavant à l’un de nos concerts officiels, je l’ai entendue depuis aux Tuileries pendant la fête du 30 juin, mais sans éprouver nulle part ce sentiment de perfection atteinte. Les mêmes honneurs ont été rendus par l’orchestre de la Scala à l’ouverture de la Muette, un autre chef-d’œuvre en train de devenir national parmi nous. À défaut d’hymnes patriotiques, voilà au moins deux ouvertures bien françaises, et c’est avec un certain dilettantisme mêlé d’orgueil qu’on les retrouvait partout sur son passage au milieu des réjouissances publiques de cette fête, exceptionnelle à tant de titres, et dont la musique, avec ses orphéons et ses orchestres, a singulièrement rehaussé l’éclat.

Je voudrais n’offenser aucun scrupule et m’explique parfaitement que tout le monde n’aime pas la Marseillaise, mais je voudrais en même temps, au nom des droits de l’esthétique, plaider les circonstances atténuantes en faveur d’une inspiration incomparable et qui, chaque fois qu’on essaiera de la remplacer, tuera d’avance dans son germe l’œuvre du malencontreux compositeur. Il y aura toujours quelque prudhomie à prétendre reconstruire dans le silence du cabinet une de ces sublimités inconscientes et presque anonymes qui sont à un moment historique le cri échappé des entrailles d’une nation. M. Gounod, qui excelle à blaireauter sur vélin de la musique d’art, semble possédé d’une passion vraiment désespérante pour ce genre de composition tout de sentiment et tout en dehors. Comme jadis, en écrivant Gallia, il s’était imaginé doter son pays d’une sorte d’épopée musicale, il nous a donné pour les fêtes, de cette année sa cantate de Vive la France ! M. Gounod fait des chants patriotiques un peu comme le dentiste Capron, dont parle Voltaire, faisait des Pensées de La Rochefoucauld, il orchestre à grand bruit un Vive la France ! d’occasion qu’il replacera plus tard dans quelque Polyeucte, et, pour prix de ce troubadourisme, aussitôt la petite chanson terminée, l’orchestre et les orphéons en masse, autrement dit huit cents exécutais, entonnent le chant immortel de Rouget de l’Isle, qu’on acclame irrésistiblement :

C’est la moralité de cette comédie.


Après l’orchestre milanais de la Scala, nous avons eu l’orchestre