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Mercadante et de Donizetti n’auraient qu’un retour à faire vers le passé pour reconstituer à leur bénéfice le patrimoine inaliénable des Palestrina, des Scarlatti, des Lotti et des Cherubini. Shakspeare a dit : « L’horrible est le beau, le beau est l’horrible. « Il arrive ainsi très souvent en ce monde que le vieux soit le neuf. Et quant à l’Italie, je ne m’étonnerais point que sa régénération musicale lui vînt aujourd’hui par la science ; heureux pays, deux fois comblé de dons superbes, et qui, lorsqu’il en a fini avec Cimarosa et Rossini, n’a qu’à vouloir pour se reprendre aux anciennes traditions de ses écoles de Rome, de Florence et de Venise. Nous n’en sommes point encore aux résultats, mais on sent une impulsion donnée. L’ouverture des Promessi sposi, sobre d’effets, bien conduite et bien tempérée, a tout de suite mis en valeur parmi nous le nom de M. Ponchielli, célèbre de l’autre côté des Alpes ; on a également distingué l’ouverture en ut majeur de M. Foroni, la charmante gavotte pour instrumens à cordes de M. Bazzini, enlevée par les exécutans avec une extraordinaire volubilité, la Marche funèbre de M. Faccio, le chef brillant de cette compagnie. Ce morceau, destiné amener le deuil de la blonde Ophélie (il est intitulé Marche funèbre d’Hamlet), ne manque ni d’élévation ni de poésie, et, comme la plupart des marches funèbres, il est divisé en deux parties, ce qui fait qu’on lui a naturellement reproché de ressembler à la fameuse marche de Chopin, qu’il ne rappelle d’ailleurs que par la forme. La Contemplazione de M. Catalani, l’adagio pour instrumens à cordes de M. Bolzoni (premier alto de l’orchestre), la Lenore de M. Smareglia, un des lauréats du Conservatoire de Milan, sont des œuvres à mentionner et qui, à divers titres, caractérisent le mouvement orchestral en train de se développer. Des méditations, des romances sans paroles et des poèmes symphoniques, ce serait à se croire au pays de Mendelssohn ! Mais que les ennemis irréconciliables de la cavatine ne se hâtent point trop de crier victoire ; ces transformations-là, si nécessaires qu’elles soient, ne sont jamais radicales ; le génie d’un peuple ne se dément pas, et sur cette terre bénie du soleil et des muses, les lauriers-roses et les orangers cesseront de fleurir avant que le bel canto che nell’ anima si sente ait cessé d’être en honneur. Contre cet instinct de race, toutes les tendances systématiques échoueront, à moins que ces tendances ne réclament rien au-delà de certaines réformes dans la langue et la recherche de l’expression. En dépit des harmonistes et des sonoristes, l’Italie mélodique subsistera toujours, les compositions de l’heure actuelle ne permettent point à ce sujet l’ombre d’un doute. Contre cet éclectisme modéré, intelligent, les portes du wagnérisme ne prévaudront pas, et pour ma part je m’en réjouis, car il convient que la cause