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qui n’a pas demandé ses inspirations à M. Manet ou à M. Gérôme, il n’a consulté que ses yeux. Il a peint des intérieurs grecs, où tout est grec, les figures, les costumes, la simplicité antique du mobilier, la nudité des murailles blanches, dont une sainte image et une glane d’oignons sont le seul ornement. Dans un de ces intérieurs, une jeune fille se dresse sur la pointe des pieds pour échanger à travers une lucarne entr’ouverte un baiser avec un jeune homme, dont on ne voit que le visage ; ce baiser est aussi chaste que le beau lis qui épanouit près d’elle sa corolle argentée. Le grand mérite de M. Lytras est qu’il n’aime pas le bitume ; sa peinture est très claire et n’a rien de frelaté. C’est un petit vin du cru, qui à de la franchise et du montant.

Passons brusquement du nord au midi, de la Grèce aux pays Scandinaves. Bien que les artistes suédois, norvégiens et danois aient presque tous fréquenté les écoles de Dusseldorf, de Munich ou de Paris, ils ont cependant quelque chose qui leur appartient en propre, certains traits de caractère qui les font reconnaître. Se promener dans la section danoise, c’est faire un voyage en Danemark, et ce voyage est aussi agréable qu’intéressant. Une bonhomie patriarcale dans le choix des sujets, des mœurs locales étudiées sur le vif, des visages honnêtes, qui inspirent la confiance, de bonnes gens qui ont l’air de se trouver bien où ils sont, une lumière, tantôt voilée, tantôt crue, un dessin consciencieux, appliqué, dont le seul défaut est un excès de rondeur, voilà ce qu’on trouve dans la plupart des tableaux que nous a envoyés Copenhague. Ce qui distingue surtout les peintres du Danemark, c’est que leur pinceau est toujours propre, il l’est même trop, il est propret, et la nature n’est jamais proprette ; la débarrasser de sa poussière, de ses cicatrices, de ses verrues, de ses saintes macules, c’est attenter à sa beauté. M. de Thiard disait : « J’aime beaucoup les bergeries de M. de Florian, mais j’y voudrais un loup. » Quand on regarde un tableau danois, on se prend à soupirer après une tache. M. Exner nous introduit dans l’intérieur de ménages rustiques, et sa peinture a du charme. Il nous fait voir des salles communes où il y a des hommes, des femmes, des enfans, des chiens et une porte ou une fenêtre ouverte, par laquelle on aperçoit un peu d’herbe et quelques arbres. Pourquoi faut-il qu’avant de nous être montrés, les plafonds, les planchers, les chaises, les tables, les assiettes, l’herbe et les arbres aient été lavés, récurés avec un soin trop minutieux ? Comme les meubles, comme les vêtemens, il semble que les visages n’ont jamais servi jusqu’à ce jour, et les sourires sont tout neufs. M. Exner devrait se dire que les maîtres hollandais de la grande époque avaient le goût du net et du limpide, et que pourtant, bêtes