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LA PEINTURE
À L′EXPOSITION UNIVERSELLE


I

Nous ne ferons point de réflexions moroses, nous nous abstiendrons de toute comparaison chagrine et fâcheuse. Il serait vraiment trop facile d’avancer et de prouver qu’en ce qui concerne les beaux-arts l’exposition universelle de 1878 est inférieure à ses devancières, surtout à celle de 1855, qui a jeté un si vif éclat et laissé un ineffaçable souvenir. Hélas ! les morts vont vite ; on leur succède, mais on ne les remplace pas toujours. Il faut en prendre son parti, jouir de sa destinée et ne pas tout demander. Nous vivons dans le siècle de l’industrie, des inventions et des machines ; notre sort est assez beau. Comme le disait, il y a trois mois, lord Beaconsfield au banquet annuel de la Royal Academy de Londres, « le temps présent est un âge de civilisation avancée, et la civilisation est essentiellement confortable ; sa tendance fatale est de supprimer le sentiment et de s’occuper du réel beaucoup plus que de l’idéal. » Lord Beaconsfield a raison, le confortable et l’idéal sont deux choses absolument différentes, et qui veut l’une doit apprendre à se passer de l’autre. Les mères ont coutume de dire à leurs filles qu’une femme doit savoir souffrir pour être belle. Cet adage est profondément juste, et les peuples qui se piquent d’exceller dans les beaux-arts feraient bien de s’en pénétrer autant que les jeunes filles qui aspirent à briller dans un bal. Quand une société se soucie avant tout de se procurer toutes ses aises, elle ne doit pas s’étonner que son architecture ait peu de style, que ses statues manquent de caractère, que sa peinture d’histoire soit trop souvent insignifiante. Les Grecs du temps de Périclès se résignaient à une foule de privations qui nous seraient insupportables et qu’ils ne sentaient pas.