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Actuel. Non content d’élargir le cadre de l’ancienne éducation et d’augmenter le nombre des collèges, il en a ouvert les portes aux jeunes gens de toute condition, sur le pied d’égalité. Lors du dernier recensement, en 1874, on comptait 20,017 écoles primaires, 52 secondaires, 53 normales, 91 de langues étrangères, et 2 collèges impériaux pour l’enseignement des sciences. Le total des élèves était de 1,730,179,dont 1,312,141 garçons et 418,038 filles ; soit en tout 5,15 pour 100 de la population ; l’accroissement avait été en un an de 568,970. Le nombre des filles fréquentant, les écoles primaires et normales a aussi considérablement augmenté ; le cercle des études s’est élargi, et désormais elles sauront autre chose que lire des romans, jouer du sa-missen et arranger des fleurs. 103 professeurs étrangers, dont 7 dames anglaises et américaines, 45 anglais, 19 américains, 22 allemands, 14 français, 1 russe et 1 chinois, sont employés par le ministère de l’instruction publique, qui coûte à l’état 8,500,000 francs par an et à peu près autant aux districts. Libre au visiteur de faire un cours complet d’études japonaises pour les deux sexes, avec les documens mis sous sa main[1]. Côte à côte avec l’enseignement scientifique général se trouve une branche de l’enseignement spécial, l’école de médecine et de chirurgie, excellente institution confiée à d’éminens professeurs allemands. Nous n’en voyons que le plan et la façade ; mais, à défaut de plus amples informations, l’écorché placé sous verre atteste chez les jeunes préparateurs autant de connaissances en physiologie que d’adresse manuelle.

Rien n’est plus attachant que la faculté d’assimilation des Japonais, leur promptitude à recevoir toute espèce d’instruction, sans parler de leur zèle qui ne se dément jamais et d’une mémoire qu’on ne peut mettre en défaut. Si leur esprit, peu généralisateur, se refuse à l’effort de concentration d’où jaillissent les concepts personnels et les jugemens originaux, il saisit et retient avec une docilité remarquable tout ce qu’on veut lui confier, et se fait un jeu de s’ingérer des raisonnemens scientifiques qu’il ne saurait foi-mer. Disciples appliqués, mais sans initiative, plus aptes à s’approprier des résultats qu’à se créer des systèmes, leur intelligence vit volontiers d’emprunts et attend les solutions sans aller au-devant. La structure de leur entendement semble les pousser, comme les accidens de leur histoire, à rester d’ingénieux imitateurs et de bons écoliers, sans devenir maîtres ni inventeurs. Il est permis de compter sur un long maniement des outils intellectuels de l’Occident pour accroître la vigueur et l’indépendance de ces esprits d’ailleurs si bien doués.

  1. Nous n’avons pas à revenir ici sur les conditions de cet enseignement, que nous avons déjà fait connaître aux lecteurs de la Revue. Voyez le n° du 15 septembre 1876.