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organsin. On sait que le nord, le centre et le sud du Japon forment pour ainsi dire trois régions séricoles distinctes. Il eût été intéressant pour les hommes spéciaux de comparer entre elles les soies d’Oshiu, de Mayébashi, de Shinshiu, etc., ainsi que les différences, s’il en existe, dans l’élève et la filature.

Nous pouvons du moins comparer les anciens procédés aux nouveaux introduits par le gouvernement dans deux de ses manufactures : voici sur une petite aquarelle une filature indigène de huit bassines, où les cocons sont dévidés au tour par les moyens primitifs encore en usage chez toutes les paysannes ; tout auprès, des photographies représentent l’usine de 500 bassines élevée à Tomyoka et organisée par notre compatriote M. Brunat. Les produits de cette filature modèle se sont fait remarquer à Lyon dès le début par leur immense supériorité. L’emploi des machines perfectionnées amènerait en se généralisant une plus-value considérable des soies japonaises. C’est là, ne l’oublions pas, le principal objet d’exportation d’un pays qui a grand besoin d’accroître ses recettes. Il ne pouvait donner une trop large place à cette industrie nationale et ne devait rien épargner pour en vulgariser les produits en Europe. L’Italie, moins nécessiteuse, lui donnait l’exemple. Aussi peut-on s’étonner de voir les soies reléguées dans une salle peu fréquentée, loin, des tissus qui en proviennent et qui n’ont pas eux-mêmes la place importante qu’ils méritent.

Les autres matières textiles usitées sont le coton, qui ne s’exporte pas et ne sert qu’aux vêtemens grossiers de la classe laborieuse, et le chanvre, qui fait prime sur les marchés d’Europe, grâce à ses qualités de souplesse et de solidité, mais n’y parvient qu’en petites quantités. Les Japonais s’en servent pour fabriquer le filin, les câbles nécessaires à la marine ; l’arsenal de Iokoska possède notamment une corderie dont quelques produits ont été placés dans la galerie des machines. Mais les cordes usuelles destinées à serrer les ballots de riz et autres, ainsi qu’à tous les emplois qui n’exigent pas une résistance particulière, sont tressées avec la paille de riz. C’est là, à vrai dire, le textile qui joue le rôle principal dans la vie populaire au Japon, et les services qu’il rend, concurremment avec le jonc, les roseaux et les écorces fibreuses, sont innombrables. Sans parler des sacs et paniers de toutes formes et de toutes dimensions, c’est avec ces matériaux habilement utilisés qu’on fait, sous le nom de tatami, les nattes fines et matelassées qui remplacent le plancher dans les maisons ; les vastes chapeaux qui abritent aussi bien de la pluie que du soleil ; les manteaux sur lesquels l’averse la plus forte glisse sans pénétrer ; les waradji, ces sandales que les gens du pays s’attachent aux pieds pour courir dans les mauvais chemins et dont ils usent jusqu’à deux et trois paires par jour ; les