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Puisque cet assortiment est réuni à notre intention et offert à notre convoitise, examinons-le en amateurs qui veulent en avoir pour leur argent, et surtout sans nous laisser déconcerter par cette exclamation désespérée qui retentit à nos oreilles : « Tout est acheté, tout est vendu ! » Rassurez-vous, madame ! si la fabrique est loin, le magasin est bien garni et se renouvellera sans doute peu à peu. Une fantaisie ne se paie jamais trop cher, et vous pourrez, si tel est votre bon plaisir, meubler votre logis de merveilles qui oncques ne furent japonaises. S’il vous agrée au contraire d’étudier le génie de ce peuple dans ses arts décoratifs, en séparant l’ivraie du bon grain, les œuvres des pastiches, et d’admirer les jolies choses sans acception de prix et sans préoccupation exclusive de l’étiquette qu’elles portent, observez l’attitude de quelques visiteurs ayant résidé au Japon assez longtemps pour s’assimiler à un certain degré le tempérament esthétique de la race. Il n’en manque pas, car c’est une science qui s’infuse vite dans un esprit quelque peu attentif.

En entrant dans la première salle, ils passeront rapidement devant de grands vases en bronze niellé a très compliqués,

Où l’on voit qu’un monsieur très sage
S’est appliqué. »


Qu’importent, si l’on est résolu à ne regarder qu’à la valeur esthétique et non à la richesse de la matière, l’or et l’argent prodigués, le poids de bronze et la quantité de travail employés ? Ces bourrelets superposés, les uns circulaires, les autres hexagonaux, qui forment le pied, ces anses chargées de guirlandes, ces lignes, qui ne sont ni droites ni franchement courbes, ces petites balustrades qui coupent le galbe, attestent sans doute une sorte de fécondité exubérante. Les figures de convention ciselées en relief donnent à l’ensemble un caractère de haute fantaisie. Mais tout cela n’est qu’un colifichet agrandi sans mesure.

Nos conducteurs ne feront non plus guère cas d’oiseaux fabuleux de taille gigantesque, d’allures raides et anguleuses, portant des girandoles, sur lesquels on peut étudier les déviations successives du goût. Dans les vieilles collections, en effet, on trouve souvent une grue, l’oiseau favori des Japonais, montée sur une tortue, le col tendu, et portant dans son bec une fleur unique de lotus. Dans la corolle de la fleur se dissimule une fine pointe métallique, sur laquelle on peut ficher la petite bougie de cire à mèche de papier en usage dans le pays. Une première modification malheureuse a consisté à changer la pointe de métal pour une petite galerie circulaire destinée à recevoir une de nos bougies. C’en était déjà fait de la vérité, car la fleur perd aussi toute sa grâce. Le second pas a