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contenir leurs équipages. Sur ces navires où s’entassaient plus de 200 hommes, rameurs et hoplites, on devait, comme on peut aisément le supposer, se trouver fort à l’étroit. Aussi était-ce à terre que se passait le plus souvent la nuit, à terre que se prenaient les repas. Dès que les marins des vaisseaux confédérés ont appris que l’Acropole est aux mains des Perses, ils courent à la plage, remontent sur leurs navires et, pour mieux faire connaître à qui les commande leurs intentions, ils s’empressent, sans lever l’ancre encore, sans larguer les amarres qui attachent la trière au rivage, de déployer leurs voiles. C’est ainsi que les flottes chinoises délibèrent et se mettent en mesure de compter les suffrages. Toute jonque qui montre une voile hissée est d’avis de partir, tout bateau qui laisse ses antennes amenées opine pour que la flotte continue de rester au mouillage. Les Péloponésiens avaient beau multiplier ces manifestations séditieuses, Thémistocle insistait toujours pour qu’on n’en tînt pas compte. S’il eût été à la place de Morard de Galles, il ne se serait pas laissé si aisément ramener du mouillage de Quiberon. Rien ne l’ébranlait, ni les démonstrations en masse, ni les injures que ses collègues ne lui épargnaient pas. Les débats des Grecs ont toujours été orageux. Colocotroni, s’il en faut croire les chroniqueurs de la guerre de l’indépendance, jetait dans ces occasions des écorces de citron à la face de ses contradicteurs ; le général des Corinthiens, Adimante, menaça, dit-on, du bâton Thémistocle. Mais l’amiral d’Athènes parlait au nom de 180 vaisseaux. Les Péloponésiens pouvaient faire route pour l’isthme, si bon leur semblait ; les Athéniens ne les y suivraient pas. Tout restait en suspens, confus et agité, quand les Perses parurent. L’armée navale des Perses avait franchi l’Euripe que la flotte grecque ne défendait plus ; trois jours après, elle se déployait dans la baie de Phalère.

Xerxès en personne descendit des montagnes à sa rencontre. Cinq millions d’hommes avaient quitté l’Asie ; le plus beau de tous, celui que sa haute taille et la majesté de ses traits eussent suffi pour désigner comme le chef de tant de nations, c’était, de l’aveu d’Hérodote, le fils de Darius. Il prit siège sur la plage et fit comparaître devant lui les rois et les princes des vaisseaux. Chacun s’assit à la place d’honneur qui lui fut désignée. Là se rencontrèrent, tenant le premier rang, le roi de Tyr et le roi de Sidon ; à leurs côtés, la reine d’Halicarnasse. Xerxès voulait savoir s’il convenait de livrer bataille. « Avant le jour du combat, dira près de quatorze cents ans plus tard dans ses Institutions militaires l’empereur Léon, assemblez vos préfets pour délibérer avec eux, et suivez ce qui sera jugé le meilleur à la pluralité des voix. » Tel n’était pas en 1571 l’avis du duc d’Albe. « Vous ne rencontrerez que trop de