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d’apprendre à voguer en cadence, à évoluer sans engager les rames. Que répondaient, après une semaine de cet apprentissage, les hommes de l’Ionie ? « La servitude vaut encore mieux que le rude métier qu’on nous fait faire. » Les Milésiens battus retournèrent sous le joug. Sans Thémistocle, les Grecs auraient eu le même sort.

Tyr et Sidon n’avaient qu’à expédier au grand roi des vaisseaux bien équipés, les Perses se chargeaient de faire régner à bord de ces navires l’ordre et la discipline. Leur armée marchait sous le fouet, et le capitaine négligent, pas plus que le rameur, ne devait s’attendre à trouver grâce devant les argousins. Si les généraux perses ne le faisaient pas toujours frapper de verges, ils n’hésitaient pas, — l’île de Chios indignée en eut le spectacle, — à lui fourrer la tête dans un sabord de nage et à l’exposer ainsi à la risée des passans, le corps sur le tillac, le chef nu en dehors. Quelle position pour un capitaine de trière habitué à dominer son équipage du haut de la poupe ! que d’amertume amassée au fond de ce cœur ionien ! Car c’étaient, il faut bien le dire, les marins de l’Ionie qui donnaient généralement le plus de souci au membre de la famille royale investi du commandement de la flotte. Ces anciens colons d’Athènes n’avaient pris à l’Asie que sa mollesse ; ils lui avaient laissé ses habitudes de soumission. Les Perses auraient eu tort de compter d’une façon absolue sur leur concours.

Darius cependant a fait reconnaître à l’avance les rivages de la Grèce. Il sait où il faut frapper ; des transfuges lui ont indiqué le bon endroit. Maître de Samos, de Chios, de Lesbos, de Thasos, il ordonne à sa flotte de longer les côtes de Thrace. 300 navires et 20,000 hommes périssent en voulant doubler le mont Athos. Ce n’est qu’un printemps de perdu. Les grandes monarchies supportent aisément les grands désastres. Il n’y a pas de typhon qui n’enlève à l’empereur de Chine autant de sujets que la tempête maladroitement bravée par Mardonius en coûtait au souverain des Perses.

L’année suivante, 600 trières se trouvent rassemblées en Cilicie. On emporte tout, infanterie et chevaux. Cette fois on ne côtoiera pas les rivages du nord ; on les sait constamment ravagés par l’aquilon. De Samos, la flotte se dirige en ligne droite vers l’Eubée. Quatre cent quatre-vingt-dix ans avant notre ère, aux premiers jours du mois d’août, les Perses ont débarqué dans l’Attique. On nous a, dès l’enfance, appris l’issue de ce débarquement. Vaincus par Miltiade dans les champs de Marathon, les Perses ont perdu 6,000 hommes ; ils courent au rivage pour se rembarquer. On se dispute, on s’arrache les trières échouées sur la plage. Les Grecs en ont pris sept ; les autres, — toute une flotte, — se dirigent à force de rames vers Athènes. Les soldats de Miltiade heureusement sont d’agiles