Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/475

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on appelle quelquefois une septième grande puissance, reste, pour tout dire, assez sceptique, et sur la nature de cette paix ; et sur ce qui l’a préparée, et sur ce qui peut en résulter, et sur la situation qu’elle crée en Europe.

Quelle est donc cette solution nouvelle de la question d’Orient sur laquelle la diplomatie vient de délibérer pendant quatre semaines, qui parait définitivement sanctionnée à Berlin ? Il ne faut pas s’y tromper. C’est l’empire turc mis en partagé pour quelques-unes de ses provinces et placé sous un conseil judiciaire pour le reste ; c’est la politique de la dépossession des états par autorité de justice internationale.

Ce qui a conduit à ces extrémités hasardeuses, comment cette situation s’est produite et fatalement développée, on ne l’a pas oublié. C’est la Russie sans nul doute qui garde la première responsabilité de cette aventure ; c’est la Russie qui a donné le signal par la guerre d’ambition et d’impatience qu’elle a engagée, qui l’a portée en quelques mois de campagne devant Constantinople en Europe, devant Erzeroum en Asie, et dont elle a voulu recueillir le prix en imposant au sultan le traité de San-Stefano. Ce n’était jusque-là cependant qu’un acte de guerre qui ne pouvait abroger tout un ensemble de droit public, qui avait à compter avec le jugement universel. Le traité de San-Stefano restait une œuvre russe qui ne pouvait devenir définitive qu’en passant par un congrès, après avoir subi le contrôle et au besoin la révision des autres puissances. La Russie, armée d’un traité qui consacrait ses succès et le triomphe de ses ambitions, se retrouvait aussitôt en présence de l’Europe, atteinte dans ses intérêts et dans ses droits, armée à son tour des transactions qui ont réglé jusqu’ici l’état de l’Orient. C’était là justement l’origine et l’objet du conflit si vif, si direct, qui s’est élevé un instant entre la Russie et l’Angleterre, qui a rendu si difficile, si problématique, pendant quelques semaines, la réunion d’un congrès. La lutte était entre le traité de San-Stefano porté au bout de l’épée russe et le droit européen placé sous la sauvegarde britannique. Tant que la Russie a paru vouloir maintenir jusqu’au bout l’intégrité de son œuvre et décliner ou éluder la juridiction de l’Europe, la guerre a été imminente, l’Angleterre se mettait déjà ostensiblement sous les armes. La réunion d’un congrès, par cela même qu’elle est redevenue possible à un moment donné, semblait signifier que la Russie, après avoir cédé à un premier entraînement d’orgueil, avait réfléchi, qu’elle avait enfin accepté la condition mise par l’Angleterre à une délibération souveraine de l’Europe. La diplomatie reprenait son autorité collective sur les affaires d’Orient, sur le traité de San-Stefano comme sur tout le reste. Que la diplomatie, dans ses combinaisons nouvelles, eût à tenir compte de ce qu’il y avait d’irréparable dans les derniers événemens et à faire la part des succès, des sacrifices d’une puissance