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tambours bas des Mexicains, au roulement rauque et plat comme celui du tambour de basque, jouant une sorte de marche sautillante, toute différente de nos airs français et à laquelle nous ne pouvions plus nous méprendre.

C’était l’infanterie du colonel Milan qui s’annonçait : laissée au matin dans la campement de la Joya, avertie plus tard du combat engagé à Camaron, elle venait ajouter le poids de ses armes dans une lutte déjà trop inégale.

Morzicki nous avait rejoints et combattait avec nous dans la cour ; souple comme un jaguar et s’aidant pour grimper des moindres aspérités de la muraille, il alla reprendre sur les toits son poste périlleux d’observation. Il aperçut, massée en avant de l’hacienda, toute cette infanterie.

On n’y comptait pas moins de trois bataillons forts de 400 hommes en moyenne et portant chacun le nom du district où ils avaient été levés : Vera-Cruz, Cordova, Jalapa.

Comme il arrive toujours dans une armée improvisée, — et c’était le cas pour les Mexicains, — l’ensemble du costume et de l’équipement laissait beaucoup à désirer ; pourtant, sous ce désordre, on sentait percer une préoccupation méritoire de bonne tenue et de régularité. Les hommes du bataillon de Vera-Cruz avaient tous, ou presque tous, le large pantalon et la veste de toile grise à liséré bleu, pour coiffure le grand chapeau de paille ; Cordova ne différait que par la couleur de la toile qui était bleue ; Jalapa, le mieux habillé des trois, avait également le pantalon de toile grise, la veste bleue ouverte par devant, et au lieu du sombrero mexicain le képi, avec l’indispensable couvre-nuque tombant sur les épaules. Le plus grand nombre chaussaient des brodequins en cuir fauve lacés sur le cou-de-pied ; les autres avaient conservé leurs sandales ou guaraches, à semelles de cordes, assez semblables aux espadrilles espagnoles.

Les chefs étaient vêtus à peu près de même façon, sauf la qualité plus fine de l’étoffe : pantalon à liséré bleu ou rouge, tunique de campagne à petites basques, ornée de boutons d’or sur le devant, avec l’attente sur chaque épaule. Tous les officiers supérieurs portaient la botte molle et le revolver à la ceinture.

Quant à la cavalerie, elle se composait surtout d’irréguliers, — guérilleros, — dans l’appareil le plus ordinaire au cavalier mexicain et que tout le monde connaît : aux jambes, des caleçons de peau collans, ouverts de bas en haut, s’évasant sur le pied et garnis le long de la couture d’une triple rangée de boutons métalliques, autour des reins la ceinture de laine rouge, le.gilet et la veste de cuir, agrémentés à profusion de soutaches et de broderies d’argent, sur la tête le chapeau de feutre gris aux vastes ailes horizontales