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la route, un vaste bâtiment carré, mesurant à peu près cinquante mètres en tous sens et construit dans le goût de toutes les haciendas ou fermes du pays. La façade, tournée vers le nord et bordant la route, était élevée d’un étage, crépie et blanchie à la chaux, avec le toit garni de tuiles rouges. Le reste se composait d’un simple mur très épais, fait de pierres et de torchis et d’une hauteur moyenne de 3 mètres. Deux larges portes s’ouvrant à la partie ouest donnaient accès dans la cour intérieure, nommée corral : c’est, là que chaque soir, en temps ordinaire, on remise les chariots et les mules, par crainte des voleurs, toujours très nombreux et très entreprenans dans ces parages comme dans tout le Mexique.

Nous entrâmes. La maison était vide : point de meubles ; seules, quelques vieilles nattes pourries, des débris de cuir gisant à terre laissés là par les muletiers de passage. En face et de l’autre côté de la route, il y avait encore deux ou trois pauvres constructions à demi écroulées et désertes, elles aussi.

Au sortir du village, le gros de la compagnie se partagea en deux sections, l’une à droite, l’autre à gauche, pour battre les bois ; le capitaine, avec une escouade en tirailleurs et les deux mulets, continua de suivre la route. Rendez-vous était donné pour tout le monde à Palo-Verde, — taillis vert, — lieu où les convois s’arrêtent d’ordinaire à cause d’une fontaine qui est proche et qui fournit une eau excellente.

De fait, après une assez longue course sous bois, comme nous n’avions trouvé nulle part trace de l’ennemi, nous nous rabattions sur, Palo-Verde. A cet endroit, le terrain, qui s’élève légèrement, est entièrement dégarni dans un rayon de plusieurs centaines de mètres ; mais la forêt reprend bientôt plus verte et plus touffue que jamais.

Nous marchions déjà depuis plus de six heures ; il était grand jour, et le soleil, dardant tous ses feux, nous promettait une chaude journée. On fit halte. Des vedettes sont placées autour de la clairière en prévision d’une surprise, les mulets sont déchargés, et le caporal Magnin part pour la fontaine avec une escouade. Un grand hangar en planches, couvert de chaume, était établi sous un bouquet d’arbres, à l’abri du soleil. Tandis qu’une partie des hommes coupe du bois, prépare le café, d’autres s’étendent pour dormir.

Une heure ne s’était pas écoulée, l’eau bouillait dans les gabelles, et l’on y mettait le café, quand, du côté de Camaron et sur la route même que nous venions de quitter, deux ou trois de nous signalèrent quelque chose d’anormal.

La poussière montait vers le ciel en gros tourbillons. A cette