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ne respirent que pure afféterie et mignardise. C’est le langage d’une petite pensionnaire pervertie, d’une mijaurée qui sophistique et vous montre qu’elle en sait trop en voulant avoir l’air de n’en point savoir assez. Laissons s’extasier les panégyristes à la suite, et tenons ces hyperboles pour ce qu’elles valent. On nous répète, en citant Pélisson : « C’est à soixante-quatre ans que l’auteur du Cid, des Horaces, de Cinna, fit cette charmante scène de l’Amour et de Psyché, » et là-dessus l’étonnement de se donner carrière.

Ne les détournez point ces yeux qui m’empoisonnent,
Ces yeux tendres, ces yeux perçans, mais amoureux,
Qui semblent partager le trouble qu’ils me donnent.
Hélas ! plus ils sont dangereux,
Plus je me plais à m’attacher sur eux.
Par quel ordre du ciel que je ne puis comprendre,
Vous dis-je plus que je ne dois,
Moi de qui la pudeur devrait du moins attendre
Que vous m’expliquassiez le trouble où je vous vois ?
Vous soupirez, seigneur, ainsi que je soupire,
Vos sens comme les miens paraissent interdits :
C’est à moi de m’en taire, à vous de me le dire,
Et cependant c’est moi qui vous le dis.


Oui, ce sont là d’aimables vers et qui, toujours selon l’opinion du commentateur que nous venons de citer, « égalent ce que Quinault a fait depuis de plus gracieux ; » mais qu’un homme de soixante-quatre ans ait pu les écrire, je n’y vois aucun sujet d’être surpris. Ces vers, tout agréables qu’ils soient, n’ont rien de jeune, vous n’y trouvez ni l’imprévu, ni la flamme, ni la vérité dans l’accent. Ils se contentent de raisonner et de dire galamment les choses, ce qui, avec de l’esprit et du talent, se peut faire à tout âge. Si vous voulez des vers qui sentent la jeunesse, des vers frémissans de vie et battant des ailes

Comme de gais oiseaux que le printemps rassemble,
Et qui pour vingt amours n’ont qu’un arbuste en fleurs,


ouvrez Rolla ; mais les oiseaux de cette espèce ne chantent qu’au matin, ils se taisent passé l’été. C’est l’inspiration qui les fait, et le poète n’y a nul mérite, tandis que les vers de Psyché sont au contraire le produit d’un art sans naïveté et travaillant de parti pris. Goûtons ces jolis vers, mais défions-nous des exagérations transmises et surtout ne nous étonnons plus que Corneille les ait écrits à soixante-quatre ans, car ces enfans de sa muse sont enfans de vieux, les qualités qui les distinguent, et que personne d’ailleurs ne pense à contester, sont de celles où le cœur n’a pas. besoin d’intervenir et qui ne relèvent que de la tête.

Mais ceux à qui, dans une héroïde, un peu de fantaisie comique