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conseils généraux ; elle ne se contente pas d’exécuter ou de faire exécuter les décisions de l’assemblée ; elle gère pour celle-ci, conduit les opérations financières du zemstvo, étudie toutes les affaires et prépare tous les projets qui doivent être discutés aux sessions annuelles. C’est en quelque sorte le ministère de ces petits parlemens provinciaux. A l’aide de cette ouprava, que nous retrouverons dans les municipalités urbaines, la Russie paraît avoir tenté d’acclimater chez elle le système d’administration collective en usage dans tant de pays de l’Europe et de l’Amérique, système que la première révolution a vainement essayé d’implanter en France, et qui, malgré ses succès dans la plupart des états où il est en vigueur, a depuis cette infructueuse expérience gardé chez nous mauvaise réputation.

Avec des assemblées électives pourvues d’aussi larges attributions, avec ce comité permanent à leurs côtés, il semble que l’autorité des fonctionnaires doive être singulièrement réduite, et la bureaucratie dépouillée de son ancienne omnipotence. Il est loin d’en être encore tout à fait ainsi : la centralisation n’a pas reçu des nouveaux états provinciaux toutes les atteintes dont elle paraissait menacée. La loi, et à son défaut les mœurs administratives et les interprétations de la loi, ont conservé aux représentans de la couronne une bonne part de leur puissance sur la vie locale. Le tchinovnisme a su retenir dans ses mains beaucoup des pouvoirs qui semblaient transférés aux assemblées élues.

Et d’abord la loi détermine elle-même un grand nombre de mesures que les états provinciaux ne peuvent mettre à exécution sans l’aveu du gouverneur ; il en est ainsi par exemple de tout remaniement des routes provinciales, ainsi de tout accroissement des taxes locales, c’est-à-dire des mesures qui se présentent le plus fréquemment devant ces assemblées. Pour d’autres décisions, la sanction du gouverneur ne suffit plus, il faut au zemstvo la confirmation du ministère de l’intérieur ; ainsi en est-il par exemple des principaux impôts ou des gros emprunts. Les affaires importantes ne sont pas les seules soumises à de pareilles restrictions, les seules exposées à de tels retards. Toutes les décisions des états provinciaux doivent être immédiatement communiquées au gouverneur qui vis-à-vis de ces assemblées possède un droit de veto suspensif. Le gouverneur doit répondre dans les huit jours ; s’il fait opposition, le zemstvo est obligé à une nouvelle délibération. Cette fois le vote de l’assemblée est définitif, mais il reste au gouverneur le droit d’en arrêter l’exécution en en référant au ministre. C’est devant le sénat, c’est-à-dire devant la plus haute autorité judiciaire de l’empire, que doivent être portés les différends entre les