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bijoux qui trahissent l’Orient par leur luxe et par leur grâce. Dans le plus harmonieux désordre se groupent les fusils et les carabines à silex couverts de nielles d’argent depuis la crosse jusqu’à l’extrémité du canon, les pistolets à crosses d’ébène ornées de plaques d’ivoire et de nacre, les sabres, les yatagans et les poignards aux lames damasquanées, aux fourreaux l’argent, de velours et de maroquin, les broches, les bracelets et les pendans d’oreilles filigranes. Les riches casaques de velours vert, rouge et violet, soutachées d’or, touchent les tulles légers, semblables à la toile d’Arachné ; les écharpes de soie cramoisie serpentent sur les mouchoirs et les taktikos rayés de mille nuances ; les dentelles et les broderies d’or servent de transparens aux foulards zébrés de pourpre, aux fichus étoiles de paillettes, aux serviettes de soie frangées d’argent, aux ceintures où s’épanouissent des fleurs brillantes et aux chemisettes arborant toutes les couleurs du prisme et tout leurs composés ; les tissus de soie, le barège, la moire, le satin, prennent un éclat intense mis en opposition avec les tissus mats de laine et de coton.

La Grèce, qui a la religion de son passé parce qu’elle sait qu’elle en est digne, a construit une petite maison athénienne du plus pur style du IVe siècle. Ce charmant édicule, qui a à peu près les proportions du temple de la Victoire aptère sur l’Acropole, se compose d’un étage en surplomb soutenu par deux colonnes ioniques. À gauche s’ouvre une porte dont les pieds-droits montent avec une inclinaison légèrement pyramidale. L’entablement est décoré d’antéfixes en palmettes et de gargouilles en gueules de lions. Dans les cannelures des colonnes, sur les volutes des chapiteaux, aux linteaux des fenêtres, aux moulures des architraves et des cymaises, se détachent en bleu, en rouge, en vert et en or, les acanthines et les rais-de-cœur, les perles et les oves. En avant de cette maison antique, qui par ses petites dimensions fait penser à celle de Socrate, s’élève un autel quadrangulaire supportant un buste de Minerve, les Grecs ont été bien inspirés en plaçant leur exposition sous l’invocation de la grande divinité de leurs aïeux, déesse au travail, — mille dea operum, — et protectrice des vaillantes cités.


HENRY HOUSSAYE.