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vives et les plus gaies pour la teinture des tissus. Dans tout l’Orient, de Tanger à Yokohama, on ne trouverait pas un seul objet aussi vulgairement simple, aussi platement laid qu’une de nos grossières assiettes de faïence blanche, qu’une cuiller de fer battu, ou qu’une chaise de paille.

Admirables chez les Indiens, les Chinois et les Japonais, la disposition et la variété du décor étonnent plus encore chez les Arabes et chez les Turcs. Privées par la loi religieuse de la représentation de la figure humaine et empruntant rarement leurs formes aux plantes et aux animaux, les races d’Islam ont créé une ornementation pour ainsi dire toute abstraite et toute imaginaire. Il est surprenant que par la seule combinaison des figures géométriques, triangles, rectangles, losanges, arcs, spirales, et par le seul entrelacement des arabesques, des volutes, des rinceaux, des nœuds de cordelettes, des rosaces en trèfle, des imbrications en écailles et des lettres en caractères coufiques, l’art arabe ait fondé un style décoratif qui a autant d’effet, de grâce et de variété que celui des Asiatiques et des Européens, inspiré par toutes les merveilles de la création.


IV

Du Maroc en Russie,.la distance est longue ; d’un okkel arabe à une izba moscovite, la différence est marquée. Et cependant la Russie touche aux pays de l’Islam par son vaste empire, où le soleil se couche à l’occident tandis qu’il se lève à l’orient, par ses peuplades mahométanes, circassiennes et kirghises, par ses aspirations territoriales, par le caractère oriental que lui ont imprimé ses conquêtes à l’ouest et au sud et ses relations avec la Byzance des empereurs grecs. Bien que la Russie se soit assimilé complètement la civilisation occidentale, elle a conservé un goût de luxe et de surcharge ornementale demi-barbare qui se trahit dans plus d’une branche de son art et de son industrie. Voyez la façade qui donne accès à son exposition. Ce n’est qu’une construction de bois ; mais qu’elle est loin de la simplicité naïve d’un chalet suisse ! Dans cet édifice, qui reproduit l’architecture d’un château seigneurial du temps d’Ivan le Terrible, combinée avec celle d’un escalier du Kremlin, le sapin prend toutes les formes et toutes les figures de la pierre, du marbre et de l’étain. Il s’évide en flèche, il s’arrondit en dôme, il se découpe en galeries trilobées, il se fenestre en ogive ou en fer à cheval, il se bariole de vert tendre, de rose, de rouge et de bleu. C’est une confusion extravagante de kiosques aigus, de galeries à jour, de mâchicoulis en ressaut, d’escaliers suspendus,