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ornementation avec les figures géométriques. Pour sièges, on a de petites chaises de thuya et de chêne à dossier légèrement concave, et ces hauts tabourets décagones, en bois découpé et marqueté, qui servent à la fois de sièges et de tables pour prendre le café et les confitures de roses. On prétend que ce mobilier, d’une invention charmante et d’un travail exquis, est l’œuvre d’un ébéniste viennois. Nous tenons trop à conserver nos illusions pour ajouter foi à ces propos de fâcheux.

A côté du temple antique s’élève une maison moderne du Caire rayée horizontalement de larges bandes rouges et noires. Sur sa façade latérale s’applique un moucharaby en dentelle de bois. On sait ce que sont ces sortes de cages treillissées en surplomb, ingénieux compromis entre la jalousie des pachas qui ne veulent pas que leurs odalisques soient vues et la curiosité des femmes qui veulent au moins voir. On a réuni à l’intérieur de cette maison les menus objets de l’industrie égyptienne, petits tapis, armes, bijoux d’argent filigrane, œufs d’autruche d’où pendent des houppes de soie, chasse-mouches pailletés, narguilés et chibouques à bouquins d’ambre, bracelets d’or vierge malléable comme la cire plastique.

Ce n’est ni dans un sérail, ni dans un okkel, ni dans une mosquée qu’on trouve la Tunisie ; c’est dans un long bazar formé d’une galerie de bois peint et découpé, à arcades en fer à cheval et à corniche à corbeaux. Soyez sourds aux bonimens gutturaux des Africains plus ou moins authentiques qui se trouvent derrière ces étalages. Ils n’ont à vous montrer que toutes ces babioles de pacotille voies cent fois aux devantures des marchands turcs des boulevards et de la rue de Rivoli. Entrez plutôt dans le petit pavillon carré qui s’avance en retour à l’extrémité de lia galerie. Là, en fait d’armes, de tapis, de harnachemens, de burnous, de haïks., d’étoffes de soie, d’étagères et d’appliques en glaces et en bois peint, vous trouverez une multitude de choses commandant toujours l’attention et souvent l’admiration. Aux tissus d’or et d’argent, aux soies brodées d’arabesques, nous préférons ces étoffes dont les vives colorations des rayures font la seule beauté. La palette tinctoriale des Tunisiens est la plus riche, la plus éclatante, la plus harmonieuse de tout l’Orient. Avec leurs soutaches d’or et leurs semis de pierreries, les Indiens font du scintillement ; avec leur bariolage et leurs zébrures de couleurs franches, où ils semblent se jouer victorieusement des lois des complémentaires, les Levantins, et surtout les Tunisiens, font de la couleur.

Ce goût des couleurs vives et cette recherche d’ornementation n’appartiennent pas seulement à l’Afrique méditerranéenne. Ils traversent les déserts avec les caravanes et reparaissent jusque sur