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indo-chinois ; c’est l’art plus simple, plus contenu et plus pur de l’Islam. Mais si l’art persan est moins fastueux, il n’est ni moins varié ni moins parfait ; s’il se sert moins des métaux précieux et des pierres fines, il n’atteint pas moins à la richesse et à l’éclat de la couleur. Aux Indes, on cherche à éblouir les yeux ; en Perse et dans les autres contrées mahométanes, on se contente de les charmer. Tout est magistralement conçu, richement décoré, merveilleusement travaillé dans l’exposition persane, depuis ces superbes tapis de feutre ou de laine d’une sobre et chaude harmonie, et ces châles dignes des métiers de Cachemir par la couleur et la finesse, jusqu’à ces coupes d’acier damasquiné, ces vases d’émail, ces mousselines brodées, légères et diaphanes comme de la vapeur d’eau, ces bassins de cuivre découpé, ces boîtes de buis sculpté, ces coffrets et ces cadres en mosaïque d’Ispahan. La panoplie vaut le mobilier : sabres courbes en damas du Khoraçan d’un ton gris mat, où courent en lettres d’or les versets du Coran et les devises guerrières, souples chemises de maillés, casques à pointes et à frontal, plaques pectorales et rondaches niellées d’or et d’argent. Cette ornementation relativement sobre est la vraie parure des armes ; elle leur conserve leur caractère de virilité qui s’effémine et se perd sous la surcharge de perles et de pierreries des armures indiennes.

On quitte la Perse au Champ de Mars, mais c’est pour y faire un nouveau voyage dans les jardins du Trocadéro, où s’élève le palais du shah. Cette construction, de forme rectangulaire, n’a qu’un étage. Les fenêtres en arc surhaussé, très rapprochées les unes des autres, forment comme une arcade continue qui règne sur les quatre façades. Ainsi presque découpé à jour, cet édifice a un aspect de fragilité et de décor qui tient à la prédominance outrée des vides sur les pleins. L’architecture persane a eu souvent de meilleures inspirations. Les murailles peintes en vert cru, couleur nationale de la Perse qu’il serait bon cependant de n’employer qu’avec discrétion dans les monumens, ont pour tout ornement quelques maigres filets jaunes et blancs qui encadrent les fenêtres et une vingtaine de rosaces rouges. Au fronton, brille le lion de Perse sur une plaque de faïence. Sans s’arrêter trop longtemps au rez-de-chaussée, dans la salle de purification, qui est tendue de papier faïence à fleurs roses et bleues sur fond blanc, et où jaillit un jet d’eau, on devra monter voir ce merveilleux salon des glaces auprès duquel le fameux salon des glaces de Versailles a tout au plus l’originalité d’un salon de grand hôtel. Qu’on s’imagine une vaste pièce carrée dont les parois sont entièrement couvertes de petits morceaux de glaces, ajustés en étoiles, en losanges et en damiers. Pour le plafond, on a suivi le système des voûtes de l’Alhambra dites à stalactites. Ce sont des milliers de petits polyèdres de glaces qui, se séparant en menues