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du prince de Galles. On dirait quelque musée de province annexé au Louvre ou aux Offices.

On entre en Indo-Chine par une large porte qu’abrite un toit de tuiles vertes à forte projection et que couronne un fronton à contours extravagans, plus aigus et plus compliqués que les ramures d’un cerf dix cors. La fantaisie chinoise est dépassée. A côté de ce curieux spécimen de l’architecture annamite, s’élève le pavillon siamois, construit en chêne découpé à incrustations de nacre, et surmonté d’un toit de pagode à triple étage. Que le royaume de Siam fabrique ces meubles rouges couverts de figurines sculptées en haut-relief et dorées, ces tuniques transparentes comme de la gaze, tissées tout en fils d’or, ces bronzes nielles d’argent, ces coffrets incrustés de nacre, ces masques comiques ou féroces à tiares dorées, ces armes ciselées et ces porcelaines à riches décors, cela ne peut étonner. Siam touche à l’est à la Chine, à l’ouest à l’Inde, l’industrie siamoise procède donc de l’art chinois et de l’art hindou. Mais ce qui est moins explicable, c’est l’influence orientale, levantine, arabe, visible dans ces tapis, compliqués et harmonieux comme les tissus de Smyrne, dans ces tentes de laine tatouées de morceaux de soie rapportés, dans ces coupes, ces gobelets, ces plateaux de cuivre de formes et de travail analogues aux ouvrages des Marocains. L’empire d’Annam, voisin, du royaume de Siam, présente le même problème. Ces meubles d’ébène et de bois de fer à incrustations de nacre, ces étincelantes soieries rouges brodées d’or ou ramagées de méandres, de soie bleu turquoise, ces figurines de jade, ces microscopiques tasses délicatement creusées dans l’écaille, sont des souvenirs ou des leçons de l’Inde et de l’a Chine. Mais quel est le Smyrniote ou le Tunisien qui s’est risqué, il y a de longs siècles, à traverser l’Arabie déserte et la Mer des Indes pour aller apprendre aux Annamites à faire des tapis turcs ? La domination française n’a point enlevé à l’industrie de la Cochinchine son caractère de richesse. Ce sont, comme dans l’empire d’Annam, des meubles à applications : de nacre et d’ivoire, de brillantes étoffes brodées d’or, des sculptures en bois dignes des Japonais, des brûle-parfums de bronze, des bijoux pavés de pierreries. Ces pieds d’éléphant et de-rhinocéros montés en coupes sont une originale invention. Mais le XVIIIe siècle français était plus galant quand il inventait le bol-sein pour la laiterie de Trianon.

Les frontières de la Perse sont marquées à l’exposition par une petite tour verte décorée de fleurs et d’arabesques, où s’ouvrent en ogives deux fenêtres superposées. La Perse, que les déserts de l’Afghanistan séparent seuls des contrées de l’extrême Orient, contraste singulièrement avec ces pays. Ce n’est plus l’art confus, monstrueux, effréné, affolé de splendeur et de magnificence du panthéon