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dans la merveilleuse collection que le prince de Galles a rapportée de son voyage à la presqu’île du Gange. Ce n’est point un musée qu’il faudrait pour loger ces objets, qui sont des joyaux, mais un gigantesque écrin. Étoffes, bijoux, armes, vaisselle, harnachemens, coffres, éventails, tout cela formé comme une plaine de pourpre et d’azur où coulent des rivières d’or et d’argent, où ruissellent des cascades de perles, et où montent, étincelantes gouttes de rosée diaprées par le soleil, les diamans, les rubis, les émeraudes, les topazes et les améthystes. Le velours et la soie disparaissent sous les capricieux enchevêtremens des broderies d’or, l’or pâlit à l’éclat des pierreries qui le constellent. Sous cette vitrine brillent les orfèvreries de vermeil, les vases de bronze incrusté d’argent, les boites à bétel en or ciselé, les houkas couverts de pierres fines, les pendans d’oreilles et les colliers formés de griffes de tigres, les éventails et les boussines à manches d’émail. Là est appendue la garde-robe des rajahs, des maharajahs et des nababs, robes de brocart d’or et d’argent, écharpes de soie brochée, châles de Cachemir d’une chaude harmonie ; ici est rangé leur arsenal, sabres à fourreaux de peluche et de soie, à petites poignées d’or niellé, de jade vert, de cristal de roche, d’ivoire ramage d’or, faites pour des mains d’enfans, haches d’armes incrustées d’or avec manche d’or ciselé, boucher en écaille de tortue à bossettes de diamans et à bordures de perles fines, casques d’acier vermiculé d’or surmontés de panaches de filigranes d’or, lances et perluisanes à hampes d’ivoire et d’émail. Ce sont encore des cornes de bison montées en or ou en argent, des boîtes de Bénarès en ivoire incrusté, des coffrets de Surate en bois de santal sculpté, des cassettes de Cachemir en papier mâché, à petits dessins de mille couleurs imitant le point des tissus, des éventails de brocart, des harnais d’éléphans brodés d’or, des housses de palanquins et des tapis de prière où s’entrelacent sur le velours les arabesques d’or et de perles. Chaque objet est un rayon de soleil. Et qu’on ne s’imagine pas que la richesse de la matière supplée au travail de l’ouvrier. Tout est brodé, sculpté, ciselé, taillé, ouvragé avec la perfection des plus beaux châles de Cachemir. Au centre de la galerie des Indes s’élève un édifice d’une architecture étrange, où on retrouve le style chinois et le style arabe. Construit en bois rouge et noir découpé et sculpté, il se couronne de huit coupoles bulbeuses de cuivre poli. C’est un palais indien auquel il ne manque que le cadre : la végétation touffue des jungles, les grands horizons des Montagnes Bleues et l’ardent soleil de l’Hindoustan.

Si curieuse et si riche qu’elle soit en étoffes, en meubles, en bijoux, en armes, l’exposition de l’Inde française ne mérite qu’un regard quand on vient de voir les Indes anglaises dans la collection