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n’ont fait qu’imiter dans leurs pagodes et leurs palais. Pour l’architecture privée des Japonais, peut-on donner le nom d’architecture à ces cabanes de sapin à toitures de chaume et à ces clôtures de bambous que relèvent seulement des portes de bois massif aux panneaux artistement travaillés à jour ? Dans la porcelaine ancienne, que ses riches décors et ses vives couleurs feront toujours admirer, on ne sait qui l’emporte des Chinois ou des Japonais ; dans la porcelaine moderne, les Japonais ne réussissent guère mieux que les Chinois. Les craquelés céladon et les émaux cloisonnés bleus, à bouquets de fleurs et à animaux chimériques, exportés par Canton et Shanghaï, valent bien ceux qu’on fabrique à Yédo et à Yokohama. Dans les étoffes, les soies pourpres, écarlates, turquoise, émeraude, à arabesques d’or ou à figures brodées en relief, il semble que les Chinois trouvent des tons plus brillans, des oppositions plus vives, des chatoiemens plus lumineux. Pour le mobilier proprement dit, il n’y a même pas rivalité entre les deux peuples. Voyez, dans la section chinoise, cet ameublement complet de bois peint en rouge, surchargé de sculptures dorées, et recouvert de satin écarlate où sont brodés des personnages aux longues robes multicolores ; rien n’y est comparable à l’exposition japonaise, comme richesse, comme somptuosité et comme éclat. C’est le style Louis XIV de l’extrême Orient ! Mais où les Japonais sont supérieurs, c’est dans les ouvrages qui touchent à l’art et dans les mille objets qu’on doit regarder de près : grands paravens laqués à incrustations de jade, de bronze, de bois précieux ou à panneaux rapportés, représentant des figures de guerriers qui brandissent leurs deux sabres ou de jeunes filles qui jouent de l’éventail, consoles et brûle-parfums de bronze ciselé dignes des maîtres de la renaissance italienne, petites boîtes en laque d’or valant plus que leur pesant d’or, figurines d’ivoire d’un travail exquis auprès desquelles les miracles de patience des Chinois semblent art de sauvages. Et les albums gravés ! Quel éclat dans ces couleurs, quelle ingénieuse variété dans ces compositions, quelle coquetterie dans ces figures de femmes, quelle allure et quelle férocité dans ces types de guerriers ! Les informes silhouettes que les Chinois peignent sur paille de riz ou brodent en soie sur étoffe ne sont ni du même art, ni de la même humanité. On pourrait dire qu’il y a dans l’art chinois quelque chose de la patience, de l’effet et de la magnificence de l’art égyptien, et dans l’art japonais un peu de la grâce, du mouvement et de la liberté de l’art grec. Mais, il est bon de le répéter par ces temps de fanatisme japonais, l’art chinois et l’art japonais n’ont aucune idée du beau, ils sont aussi loin de la grandeur de l’art égyptien et de la beauté de l’art grec que la Vénus hottentote est loin de la Vénus de Milo.

Les trésors et les féeries de l’Inde apparaissent à nos yeux éblouis