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des hamacs et à des nattes de paille tressée ; celle de la Bolivie à des échantillons de minerais et de pelleteries ; celle du Venezuela à des cigares, à des vins et à de frêles corbeilles d’estropajo ; celle du Mexique enfin à des tablettes d’onyx et à de petites boîtes enluminées, d’un aspect barbare et primitif des plus réjouissans. La république de San-Salvador range sous ses vitrines de riches selles de cuir repoussé et découpé et des écharpes de soie et de laine rayées de mille couleurs. Il faut s’arrêter en traversant le Guatemala devant une ravissante collection de fleurs artificielles en plumes d’oiseaux-mouches, d’une légèreté et d’un éclat incomparables, et devant des chapeaux, des corbeilles, des porte-cigares et autres menus objets en paille tressée, d’une finesse extraordinaire ; la trame de la toile n’est pas plus serrée, la soie n’est ni plus unie, ni plus lisse. On lit dans quelque conte qu’une fée venait chaque nuit faire la tâche d’une jeune et infortunée princesse à laquelle une méchante sorcière avait imposé de tisser une énorme quantité de lin. Cette fée, depuis longtemps sans emploi en Europe, s’est décidée à émigrer dans l’Amérique centrale, et c’est elle qui tresse ces miraculeux tissus de paille, tandis que les ouvriers du Guatemala se croisent les bras à journées longues. Voyons la Guyane et les îles de Cayenne, de la Guadeloupe et de la Martinique dans l’exposition, des colonies françaises, dont les salles ont en guise de portières dévastes filets dépêche d’un aspect gracieux et original. Il y a là des fleurs en plumes, des poteries rouges vernissées d’un travail très primitif, et qui ont pourtant un faux air de poteries grecques avec moins d’élégance dans la forme, des costumes de négresses et de mulâtresses, de métisses et de quarteronnes où dominent naturellement les nuances les plus tendres, le rose, le bleu de ciel, le jaune serin, des nattes et des corbeilles de pailles de couleur, des zagaies, des arcs, des boucliers faits de l’écaille d’une tortue, et autres armes caraïbes. Aux angles de la pièce se tiennent de farouches mannequins de guerriers indigènes : un Roucouyenne vêtu d’une robe à manches en fibres de plantes, la tête couronnée d’un diadème de plumes multicolores, et un soldat du Fonta portant une blouse bleue brodée, un chapeau de paille et un fusil à silex. La république de l’Uruguay réserve une douce surprise aux économistes et aux utilitaires. Au milieu de couteaux d’argent massif ornés de ciselures barbares et de manteaux de laines fauves à raies rouges et bleues d’une sauvage harmonie de tari, ne voilà-t-il pas une machine à coudre, bien authentiquement fabriquée à Montevideo !

Hâtons-nous donc de traverser le Pacifique pour aller voir un peu de couleur locale en Océanie et en Asie pendant qu’il en reste