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café au lait alternant avec les couches chocolat dont elle est badigeonnée ne sont pas faites pour en relever la vulgaire insignifiance. L’intérieur de cette section vaut mieux que l’extérieur. On s’imagine peut-être que l’industrie américaine se borne à des machines à coudre, à des revolvers de tout calibre, à des carabines à répétition et à des faux-cols de papier. Il y a en effet beaucoup de ces objets qui prouvent à quel prix les Yankees estiment le temps, puisqu’ils remplacent le lent travail de l’homme par le travail rapide de la mécanique et qu’ils savent abréger les trop longues discussions par l’argument péremptoire du revolver. Mais il y a aussi des spécimens nombreux d’autres industries qui témoignent du goût dans l’invention et de l’habileté dans l’exécution. L’influence anglaise y est d’ailleurs manifeste. Ce sont des bahuts d’ébène de style renaissance, des tables de marqueterie où se mêlent les essences rares, érable, citronnier, amarante, des fauteuils à bascule, à siège canné et à monture de bois tourné, des livres d’un beau type d’impression et d’un tirage bien égal, des reliures de maroquin à mosaïques et à petits-fers ou de vélin blanc à filets. On aimera moins ces petites orgues de chêne à tuyaux apparens peints en bleu perruquier. Mais où les Américains excellent, c’est dans l’orfèvrerie de table. Ces surtouts, ces coupes, ces aiguières, ces gobelets d’argent repoussé, ciselé, guilloché, sont remarquables par le choix des formes et la pureté du travail. Nous admirons plus encore ces couverts et ces manches de couteaux où courent de délicates nielles d’or, et où s’incrustent de gracieux médaillons. Tous ces motifs sont empruntés aux décors japonais. On ne ferait pas mieux à Paris, pas même à Yédo !

La galerie des machines ne nous regarde point, et nous en sommes fort heureux, car cette espèce de cité dolente nous inspire une certaine terreur. Le bruit des roues, le tic-tac des balanciers, les hans des pistons, les claquemens des laminoirs, les frôlemens des lanières, les sifflemens de la vapeur font un charivari infernal où l’on croit entendre des gémissemens de damnés au milieu desquels monte parfois comme une prière la grande voix des orgues. Cependant nous nous risquerons à traverser cette galerie pour aller voir dans le pavillon annexe des États-Unis ces drawing-room cars et ces sleeping-cars, si vastes et si commodément aménagés, véritables maisons roulantes. La longueur des voyages sur le continent américain, où on est parfois huit jours et huit nuits sans descendre de wagon, motive cette confortable installation ; il y aurait déraison à l’exiger sur la ligne de Paris à Versailles. Regardons aussi ces « faucheuses » et ces « moissonneuses » à deux roues et à siège surélevé, auxquelles on attelle un couple de chevaux qui les traînent au grand