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ont-ils, pendant dix ans, abdiqué entre les mains de M. Peruzzi ? Pourquoi la junte municipale, la presse, l’opinion, ne l’ont-elles pas retenu sur cette pente ? Le syndic, assure-t-on, n’aimait pas la contradiction ; mais ce n’était pas un tyran italien du moyen âge, ni même un ministre des grands-ducs ; il n’exilait personne, il ne pouvait ni supprimer ni suspendre de journaux. Florence, en ne cherchant pas plus tôt à voir clair dans ses affaires, a encouru une grande part de responsabilité ; il y a eu là un peu d’indolence, un certain manque d’énergie et de virilité.

C’est en 1871 que l’opinion et la presse florentine auraient dû intervenir avec clairvoyance et décision. Au printemps, le parlement italien tenait à Florence sa dernière session, avant de se donner rendez-vous à Rome. Il était prêt à faire pour Florence ce qu’il avait fait pour Turin sept ans auparavant, à l’indemniser, elle aussi, des dépenses qu’elle avait encourues pour soutenir ce rang de capitale dont on lui retirait si brusquement les avantages. On ne contestait pas le principe ; il ne s’agissait que de s’entendre sur le chiffre de l’indemnité. Le moment était favorable, non pour enfler ce chiffre outre mesure, mais pour le faire accepter, quelque élevé qu’il pût paraître, contre pièces à l’appui. En 1864, les finances de la ville étaient en bon état, comme l’ont reconnu les commissions d’enquête : mais, dès 1865, Florence s’était mise à l’œuvre avec une telle ardeur que déjà les budgets de 1869 et de 1870 se soldaient chacun par un déficit de plus de 8 millions de livres. Pour exécuter les travaux d’agrandissement et d’assainissement qui avaient été jugés nécessaires, elle avait conclu emprunt sur emprunt ; mais c’était le temps où le crédit de l’Italie était le plus bas. Florence n’avait pu réaliser ces emprunts, négociés surtout à l’étranger, qu’à des conditions très onéreuses, qui s’expliquaient assez par les cours de la rente italienne et la dépréciation du papier-monnaie qui avait cours forcé dans toute l’Italie[1]. La situation financière de Florence était déjà fort inquiétante ; beaucoup des travaux commencés ne l’auraient jamais été ou ne l’auraient pas été de longtemps, si Florence n’était pas devenue capitale ; maintenant qu’elle cessait de l’être, il était aussi difficile de les suspendre en les laissant improductifs que dangereux de les achever avec une population et des ressources diminuées.

Consultés sur le chiffre à fixer, l’ancien syndic et le nouveau, MM. Cambray-Digny et Peruzzi, paraissent avoir mis une sorte de coquetterie à rester au-dessous de ce qu’ils avaient le droit de

  1. Sur 116 millions de livres (valeur nommaie), 88 millions seulement sont entrés dans les caisses de Florence. En chiffres ronds, il y a. donc eu 28 millions de frais d’emprunt (commissions, pertes sur le change, etc.).