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M. Peruzzi. La voirie améliorée et la circulation rendue plus facile dans la vieille ville, sans destructions ni bouleversemens qui la défigurassent, par de sobres et discrètes retouches, la fondation de quartiers neufs disposés de manière qu’aucun point n’en fût très éloigné du centre, c’est-à-dire de la place du Palais-Vieux, des eaux abondantes et salubres conduites à Florence et distribuées dans toutes les parties de la cité, l’approvisionnement et l’alimentation mieux assurés par une nouvelle organisation des marchés, une merveilleuse promenade créée aux portes mêmes de la ville, dans un site charmant, toutes ces entreprises en elles-mêmes étaient bien conçues ; elles s’inspiraient d’une idée juste, d’un naturel et légitime désir de progrès. Favorisées par les circonstances et conduites à terme, elles devaient, selon toutes les prévisions, mettre Florence en état de jouer plus brillamment son rôle de capitale, elles devaient la faire plus commode, plus saine, plus agréable à habiter. En même temps, on pouvait compter qu’à toutes ces dépenses correspondrait une augmentation proportionnelle du revenu. Les plus prudens mêmes semblaient n’avoir aucun doute à ce sujet ; tout au plus différait-on d’avis sur la question de savoir combien d’années seraient nécessaires pour rembourser les sommes empruntées et pour amortir le capital très considérable qui serait absorbé par ces travaux.

On est loin aujourd’hui de ces espérances. Le 16 juin dernier, une affiche apposée au Palais-Vieux portait à la connaissance du public la banqueroute définitive de la ville de Florence. Syndic et conseillers municipaux avaient donné ensemble leur démission quelques semaines auparavant ; ils avaient été remplacés, comme l’exige la loi italienne, par un commissaire royal chargé d’administrer la ville jusqu’à convocation des électeurs. Le conseil qui venait de se dissoudre avait, au printemps, prorogé pour trois mois l’échéance de toutes les dettes municipales ; on avait cru qu’avant l’expiration de ce délai le ministère et le parlement se seraient enfin décidés, qu’ils auraient accordé ces secours que, depuis deux ans et plus, la malheureuse ville implorait à mains jointes. Les secours n’étaient pas venus, et l’heure des échéances différées sonnait au milieu du désarroi général ; la caisse était encore plus vide que trois mois auparavant. Le temps des illusions était passé pour les débiteurs comme pour les créanciers. Le commissaire a donc signé un arrêté en vertu duquel les paiemens de toute nature sont suspendus indéfiniment. Le même arrêté ordonne la cessation de tous les travaux, à l’exception de ceux qui sont absolument indispensables.

On a beau s’attendre à de pareils coups ; lorsqu’ils vous frappent, on éprouve toujours une sorte de stupeur mêlée de colère, comme