Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/303

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voûtes de Santa-Croce, dans cette église où reposaient les uns auprès des autres, sans distinction d’origine, les plus illustres morts de toute l’Italie ?

Cependant, tout en accomplissant ce sacrifice, il convenait de tout disposer pour en atténuer les fâcheux effets, pour concilier les intérêts de Florence et ceux de l’Italie. C’est ce que comprit tout d’abord le gouvernement provisoire. Pénétré de la responsabilité qu’il assumait, il chercha les moyens d’attirer dans les murs de Florence un nouveau courant de visiteurs empressés et respectueux, de la refaire ce qu’elle avait été déjà plusieurs fois, le rendez-vous des esprits les plus cultivés de l’Italie, un foyer de chaleur et de lumière. Le dernier grand-duc avait commencé la restauration du palais du podestat sans autre intention que de préserver de la ruine un curieux monument de l’ancienne architecture toscane ; ce fut son successeur intérimaire qui eut l’idée d’y établir ce Musée national dont nous avons tâché de faire ressortir l’intérêt et l’importance. C’est au même régime qu’il faut reporter l’honneur d’avoir voulu rendre à Florence ce qui lui manquait depuis longtemps, une école de haut enseignement où ceux qui fréquentaient ses musées, ses bibliothèques et ses archives pussent apprendre à tirer parti de toutes ces richesses.

De la même époque date aussi le premier projet de quelques-uns des grands travaux qui, depuis une quinzaine d’années, ont embelli et agrandi Florence ; mais la fureur des constructions n’a commencé que plus tard, quand Florence fut devenue capitale du royaume. Il en coûte d’ailleurs plus cher pour remuer des terres et de la pierre que pour éveiller et nourrir les intelligences ; ingénieurs et architectes expédient les millions autrement vite que les professeurs les mieux rétribués, que les antiquaires et les savans les plus jaloux d’enrichir les galeries ou les cabinets et les laboratoires confiés à leurs soins. Florence aurait pu, sans compromettre ses finances, faire la part aussi belle à ce noble luxe de l’esprit ; elle eût même doublé les dépenses qui figurent de ce chef à son budget qu’elle ne se fût point encore exposée à la faillite. Ce qui l’a épuisée, c’est cette maladie que l’on a appelée la fièvre du moellon, maladie qui, du Paris impérial, s’est répandue dans l’Europe entière et a plus ou moins atteint presque toutes les grandes villes du continent.


I

Par un décret en date du 22 décembre 1859, le gouvernement provisoire toscan, sur la proposition du marquis Ridolfi, ministre de l’instruction publique, décidait la fondation à Florence d’un