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contagion gagne son élève lui-même. Le comte de Viale l’apprend, devient furieux, le sentiment paternel (car il sait qu’Edward est son fils) l’empêche seul de déférer le jeune hérétique à l’inquisition. Mais ils doivent se séparer, d’autant plus qu’éclairé par une invitation non déguisée de la gouvernante, qui l’engage à se rallier pour la forme au parti du prince d’Orange et à continuer au milieu même des révoltés son métier d’espion, le jeune homme a découvert le rôle odieux qu’on lui a fait jouer, et refuse avec indignation.

Nous le retrouvons en Gueldre, où il sauve la sœur Clara et ses compagnes des fureurs des iconoclastes. Reinout a enfin forcé Hélène à lui accorder sa main, si elle ne veut pas que son vieux père meure ruiné et déshonoré. Offensé dans sa vanité personnelle par le comte de Viale, il entend l’immoler à sa haine aussi bien qu’Edward, dont la pensée remplit toujours le cœur d’Hélène. Il espère jouir enfin de sa vengeance longuement préméditée, quand il est convaincu de trahison par les hommes du parti réformé et doit recourir au suicide pour échapper au supplice. Le fils du comte de Viale périt dans une échauffourée, en voulant sauver le pasteur qu’Edward avait caché chez lui. La bonne sœur Clara veut rapprocher Hélène et Edward, et se rend avec elle au camp des insurgés. C’était la veille de la bataille d’Heiligerlee. Tout se découvre enfin et s’explique. Déjà Edward, désenivré, avait senti renaître son premier amour. Hélène se rendra en Allemagne, où elle attendra les événemens. Mais le lendemain Edward tombait sur le champ de bataille où la liberté de son pays remportait sa première victoire.

Telle est cette histoire déroulant d’une manière trop lente ses nombreuses péripéties. Cependant la lecture en est attachante. Nous n’aimons pas beaucoup le genre du roman historique, il y a toujours une victime, ou l’histoire, ou le roman, souvent tous les deux à la fois. Il est toutefois facile de comprendre qu’un puissant attrait ramène les écrivains néerlandais vers ce temps héroïque où leur nation se forma aux cris de la liberté naissante et des victimes d’une tyrannie implacable.

Nous espérons que A.-S.-C. Wallis ne s’en tiendra pas à cette œuvre, en somme remarquable. Qu’il se pénètre un peu plus de cette maxime de Boileau, qui ne lui est pas littéralement applicable, mais dont il y a toujours quelque profit à tirer :

Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire,


qu’il choisisse désormais ses sujets dans notre vie contemporaine. Son incontestable talent de romancier s’y déploiera plus à l’aise, ainsi que cette délicatesse féminine et charmante qui lui a déjà inspiré de ravis-sans coups de pinceau dans ses Jours de combat.


ALBERT REVILLE.


Le directeur-gérant, C. BULOZ.