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avoir fixé cette situation en promettant un long avenir, en scellant sous les plus aimables auspices l’union de la dynastie et du pays.

Un instant a suffi pour flétrir ces promesses, la mort impitoyable a enlevé de ce monde celle qui était la grâce de ce jeune règne. De ce riant bonheur qui était entré au palais de Madrid avec la reine Mercedes, il ne reste plus que le deuil cruel qui accable ce roi de vingt et un ans, qui est ressenti par l’Espagne et a excité aussitôt une émotion universelle. La reine Mercedes n’avait pas eu le temps d’inspirer une ombre d’inimitié, elle était faite pour avoir toujours une douce influence. La politique se tait autour de ce tombeau si prématurément ouvert, et pour le roi Alphonse c’est une vie nouvelle qui commence par une poignante affliction de cœur, par une sévérité imprévue de la destinée.

CH. DE MAZADE.


Parys en omstreken (Paris et ses environs), par M. Ed. Busken Huet. Amsterdam, 1878. — In dagen van strijd (Pendant les jours de lutte), par M. A.-S.-C. Wallis, 3 vol. Amsterdam. 1878.

La littérature néerlandaise s’est enrichie dans ces derniers mois de deux ouvrages qui, à divers titres, ont droit à notre intérêt. Celui dont nous parlerons en premier lieu s’occupe de nous, de la France, tout spécialement de Paris, et il se compose d’une série d’aperçus pleins d’originalité sur notre civilisation française, son histoire, et son état présent. Rien de plus instructif pour nous que les impressions des étrangers sur notre pays, — à la condition, bien entendu, que ces étrangers soient sérieux, impartiaux, capables de juger sainement. Il s’en faut qu’ils le soient toujours. Je me rappelle que, voyageant en Allemagne quelque temps avant la dernière guerre, je découvris, oublié dans un coin de wagon, un livre allemand qui avait la prétention de faire connaître à ses lecteurs Paris et la vie parisienne. Si l’on s’en fût rapporté au perspicace écrivain, Paris n’eût guère été qu’un lieu de plaisirs suspects dont le bal Mabille aurait été le centre rayonnant. C’était déjà la mode en Allemagne de faire à tout bout de champ le procès de la frivolité française, de la corruption française, surtout de l’immoralité parisienne. Ce livre me vexa, et je fus enchanté d’apercevoir à la dernière page une note en français, écrite au crayon, probablement par le dernier possesseur du volume, et qui était ainsi conçue : « Ce livre est l’œuvre d’un Allemand très léger qui, dans le pot-au-feu parisien, a pris l’écume pour le bouillon. » La comparaison n’était pas très noble, mais elle était juste. Ce qui fit que je laissai le livre où je l’avais pris, l’abandonnant à ses destinées et faisant des vœux pour qu’il tombât en bonnes mains.

Le fait est qu’à l’étranger les ouvrages où nous sommes fort mal jugés surabondent. Le plus souvent ils proviennent d’observateurs superficiels