Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La moralité de tout cela, c’est que, s’il y a une république qui a sa meilleure garantie dans l’honneur et la modération d’un gouvernement sensé, qui parle quelquefois aussi par la bouche de M. Gambetta, quand M. Gambetta est bien inspiré, il y a malheureusement aussi une autre république qui voudrait tout agiter, dans l’armée comme dans l’administration, qui, si on la laissait faire, deviendrait bientôt pour sa ruine le régime de la confusion et de l’anarchie. Il faut choisir. L’autre jour justement, ces deux républiques se sont trouvées en présence au sein du conseil municipal de Paris, dans ces discussions qui ont précédé la fête du 30 juin. M. le préfet de la Seine, un peu poussé à bout, a fini par dire dans un mouvement d’impatience qu’il y avait deux manières de servir la république, que ceux-là l’avaient sans doute bien servie qui l’avaient fait vivre jusqu’à présent, — « et, a-t-il ajouté en se tournant vers les édiles, je suis convaincu que vous ne tarderiez pas à la perdre ! » — À quoi le conseil a répondu en protestant de « son dévoûment inaltérable à la république. » C’est toute la question. Qu’en pense M. Gambetta ? S’il est l’allié de ceux qui comprennent la république comme le conseil municipal de Paris, avec le bonnet phrygien, avec la guerre aux processions religieuses, à la gendarmerie, à la discipline de l’armée, à l’inamovibilité de la magistrature, que signifie son langage devant la statue de Hoche ? Si le langage qu’il a tenu est l’expression de sa pensée, d’une politique réfléchie, pourquoi se réfugierait-il plus longtemps dans des subterfuges de tactique ? Pourquoi accepterait-il de paraître en connivence avec ceux qui auraient bientôt ruiné par leurs excès ou par leurs puérilités un régime qu’il soutient et qu’il veut sans doute faire vivre ?

Cette question, qui assurément a sa gravité pour le repos de notre pays, elle se dégage incessamment d’une vie intérieure qui pourrait être calme, qui l’est en apparence, et où les passions des partis se plaisent à mettre l’incertitude. Elle est destinée à renaître plus d’une fois vraisemblablement, elle se reproduira surtout à la session prochaine, quand le renouvellement du sénat aura mieux fixé la situation parlementaire. Alors l’exposition sera finie, elle ne sera plus ce qu’elle est aujourd’hui, un frein salutaire, et la diplomatie réunie à Berlin aura aussi depuis longtemps terminé ses travaux. Pour le moment, le congrès de Berlin en est encore à ces délibérations intimes qui préparent le dénoûment public, il paraît du moins assez avancé pour que la paix soit vraisemblable sinon absolument assurée. À dire toute la vérité, on aurait eu moins d’inquiétudes sur le résultat définitif de la délibération qui a eu tant de peine à s’engager si on avait connu tout d’abord les négociations qui ont préparé la réunion du congrès, qui, après s’être nouées entre Londres et Saint-Pétersbourg, ont dû n’être point ignorées des autres cabinets, au moins à Berlin et à Vienne. Le hasard d’une divulgation faite par un journal anglais a livré le secret de ces