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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1878.

Que parle-t-on maintenant des affaires sérieuses, du congrès de Berlin ou des élections prochaines de France et d’Allemagne, de la nécessité de coordonner notre régime commercial et de poursuivre jusqu’au bout notre réorganisation militaire, de tous ces intérêts pratiques faits pour occuper les esprits attentifs ? Que parle-t-on de tant de choses modestes et utiles accomplies ou préparées par la raison, le dévoûment et le travail patient ? La république athénienne qu’on veut nous donner et que nous ne refusons pas n’est pour le moment occupée que de fêtes, d’anniversaires, de réunions et de plaisirs. L’autre jour c’était en plein bois de Boulogne, sous un soleil d’été, cette revue à laquelle présidait M. le maréchal de Mac-Mahon, que des princes de tous les pays illustraient de leur présence, et où les regards exercés ont pu mesurer la transformation continue, progressive de notre jeune armée. Aujourd’hui, à l’heure qu’il est, Paris, devenu un instant le rendez-vous du monde, de la province et de l’étranger, Paris est tout entier aux réjouissances, à l’oubli du lendemain.

On voulait à tout prix une fête rare, unique, splendide, qui éclipsât les fastes de l’empire : le gouvernement s’est mis à l’œuvre avec une conscience parfaite, il a convoqué ses maîtres de cérémonies populaires. Il a eu le bon goût de mettre de côté tout esprit de parti, de choisir un jour bien neutre, bien inoffensif, auquel ne se rattache aucun souvenir de dissension civile, et c’était de la chance de trouver ce jour privilégié dans un calendrier qui depuis quatre-vingts ans et plus compte tant de « journées » de couleurs différentes. Il a réussi, il n’a rien négligé, ni les illuminations éblouissantes, ni les drapeaux, ni les feux d’artifice, ni les concerts aux Tuileries, ni pour le soir les retraites aux flambeaux. Le programme est complet ; mais il faut une ombre à tous les tableaux. Le conseil municipal de Paris s’est chargé de mettre l’ombre à la journée du 30 juin, — il y a mis comme préface le ridicule de sa mauvaise humeur. Le conseil municipal s’est tenu pour