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lesquels on croyait jadis qu’il choisirait ses ministres. Oui, les ministres de l’avenir sont aujourd’hui des proscrits ; mais les réactionnaires peuvent-ils espérer que le prince secondera leurs haines et leurs passions ? Il a prouvé sur les champs de bataille qu’il possédait cette hardiesse de cœur, cette fermeté tranquille du soldat, qui est héréditaire dans sa race ; il n’a donné à personne le droit de penser qu’il aura le triste courage de démentir son caractère, de rompre avec son passé, d’affliger ses amis en trompant leur confiance. — Je me défie des succès faciles, je ne crois qu’aux choses difficiles, disait-il un jour. — Sans doute il s’appliquera à concilier avec l’opinion qu’on a de lui les nécessités d’une situation qu’il n’a pas créée ; mais cette situation ne sera pas commode. Pendant de longues années, le gouvernement prusso-impérial n’a eu qu’à commander, la fortune toujours empressée le servait à souhait, et la vague venait à lui. La vague. s’est lassée, aujourd’hui il faut l’attendre ou l’aller chercher. Avec la sûreté de coup d’œil qui lui est propre, le chancelier a vu tout le profit qu’il pouvait tirer de l’incident des attentats. Il compromet le Kronprinz, qui a l’air d’escompter son règne ; il le sépare de son parti. Néanmoins on peut affirmer, sans être un prophète, que l’empire croulera ou que le nouveau règne, quoi que fasse M. de Bismarck, cherchera et trouvera son point d’appui dans le parti libéral.


G. VALBERT.