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par lui en 1868, il réclama pour le gouvernement le droit d’avouer hautement ses préférences électorales, le droit d’avoir ses candidats. « Beaucoup d’électeurs, disait-il, n’ont pas d’autre règle de conduite que le désir de voter en toute occasion contre le gouvernement ; nous entendons leur faciliter leur tâche. Si nous ne disions pas nettement qui sont nos hommes, ces électeurs risqueraient de s’y tromper et de faire à leur insu des choix qui nous seraient agréables. Nous nous croyons tenus de les éclairer et de leur épargner une si grave méprise. » Dans ce même discours, M. de Bismarck déclarait que, si le gouvernement a le droit de proposer ses candidats, il ne lui est pas permis de les imposer, ni d’assurer leur succès par des violences déguisées, par des manœuvres ou par des distributions inégales de faveurs. Les électeurs prussiens ont résisté dans les années du conflit à de redoutables épreuves. Si M. de Bismarck réussit à se procurer le parlement qu’il désire, s’il remporte dans les prochaines élections un éclatant triomphe, ce qui est encore douteux, c’est à Hœdel, c’est à Nobiling qu’il en sera redevable, et il aura prouvé ainsi que les assassins peuvent servir à quelque chose.

Au surplus, ce n’est pas lui qui préparera les élections : il a dans ce moment de lourdes occupations sur les bras. Il est engagé d’honneur à faire réussir le congrès qu’il préside avec une incomparable virtuosité, également maître dans l’art de fasciner les habiles et d’intimider les novices. Les combinaisons qu’on avait pu former au commencement de la guerre d’Orient ont été déjouées par le réveil inattendu de l’Angleterre, de « cette femme malade, » avec laquelle on ne comptait plus, et c’est pourquoi la presse officieuse de Berlin se montre aujourd’hui aussi pacifique qu’elle l’était peu quand elle encourageait chaque matin la Russie à tout oser. Après avoir favorisé les complications, on s’efforce de les conjurer. Les marchands de vent n’ont pas retiré de leur commerce le bénéfice qu’ils en attendaient, lord Beaconsfield les a dérangés, et ils s’appliquent à refermer l’outre des tempêtes. Si à force de patience et d’habileté M. de Bismarck réussit, comme nous l’espérons, à mener à bonne fin son honnête courtage, l’œuvre de paix qu’il aura accomplie lui rendra en Allemagne toute sa popularité d’autrefois, qui avait souffert quelque atteinte. Pendant qu’un rameau d’olivier à la main il travaille à pacifier l’Europe, c’est le comte Otto de Stolberg, vice-chancelier de l’empire et vice-président du ministère prussien, qui est appelé à tirer l’épée pour conduire la campagne électorale. Son nom et son caractère sont une garantie pour les libéraux, qui font appel à sa modération et l’adjurent de mesurer également à tous les partis le vent et le soleil. Jeune encore, le comte de Stolberg a déjà passé bien des années dans le service de l’état et occupé des postes importans. Il a été président supérieur de la province