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les arrêts du conseil. Louis XV, tiraillé entre Rome, l’épiscopat et la magistrature, ne savait quel parti prendre. Quoiqu’il détestât les jansénistes, par la seule raison que Louis XIV les avait détestés et persécutés, il usait envers eux d’une assez grande modération, et demandait avant tout aux deux partis de garder à l’égard de la bulle un silence respectueux. C’était parler à des sourds.

Au mois de mars 1752, le parlement décréta de prise de corps, pour refus de sacremens, le curé de Saint-Étienne-du-Mont. Son arrêt ayant été, comme toujours, cassé par le conseil, il présenta le 15 avril des remontrances où il cherchait à prouver, en rejetant sur le clergé la responsabilité de la crise, qu’elle ne pouvait se prolonger sans mettre en péril la monarchie et le catholicisme : « L’impiété, disait-il non sans raison, s’est servie des discussions qui règnent entre les ministres de la religion pour attaquer la religion même. L’incertitude qui s’introduisait sur ce qui établit la légitimité de la foi a été le moyen qu’elle a employé pour s’insinuer dans les esprits, » et il ajoutait « qu’en laissant le clergé moliniste décider arbitrairement des causes qui pouvaient exclure de la participation aux biens de l’église, on le rendait l’arbitre de l’état et de la fortune des citoyens, car il pouvait mettre l’interdiction aux sacremens à telles conditions qu’il lui plairait. Le refus de les accorder était en outre une excommunication déguisée qui dénonçait aux yeux du peuple les fidèles qui en étaient l’objet, et les diffamait publiquement. »

Louis XV se contenta de répondre qu’il renouvelait ce qu’il avait déjà prescrit pour imposer silence sur des querelles que l’on voulait faire renaître. — Les querelles recommencèrent tout aussitôt. Le 9 avril 1753, le parlement fut exilé à Pontoise, et remplacé par une chambre royale. Les Parisiens se montrèrent fort irrités. Le roi pouvait résider avec la cour à Versailles, à Choisy, à Fontainebleau ou partout ailleurs, ils ne s’en plaignaient pas, et l’on eût dit qu’ils se sentaient plus libres ; mais ils tenaient au parlement, comme les Romains au Capitole. L’exiler, c’était les frapper au cœur, leur enlever le seul pouvoir qui pût les défendre contre l’arbitraire. On accabla la chambre royale de tant d’épigrammes et de mépris qu’elle fut dissoute et le parlement rappelé le 17 août 1754. Sa rentrée donna le signal d’une nouvelle lutte, et d’une lutte d’autant plus grave qu’elle allait mettre en cause le principe même de la monarchie.


II

Par une remarquable coïncidence, le parlement se jeta résolument dans les voies révolutionnaires au moment où paraissaient les premiers volumes de l’Encyclopédie, le Discours sur