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J’ai fini l’examen des taxes qui pèsent sur les actes ou sur les affaires, et je crois avoir démontré qu’elles ont très peu des qualités qui constituent les bons impôts : elles sont lourdes, en général, ne se paient pas par fractions minimes, et si elles rendent beaucoup, ce n’est point toujours sans dommage pour la richesse publique. Que faut-il en conclure ? Qu’il y a lieu de les réviser dès aujourd’hui et de les diminuer sensiblement. On voudrait que ce fût possible. Mais nous sommes en présence d’autres nécessités plus urgentes. Nous avons un budget qui, avec les centimes additionnels, touche à 3 milliards et dont l’équilibre assuré est nécessaire au maintien de notre crédit ; on ne peut pas risquer de le compromettre par des remaniemens de taxes qui, bien que fondés en principe, n’en auraient pas moins pour premier effet d’amener des diminutions de recettes. Seulement il faut se dire qu’aussitôt que la situation sera dégagée et que nous aurons des excédans, nous devrons les appliquer particulièrement à ces remaniemens.

Il y a un critérium infaillible pour juger du mérite d’un impôt : c’est l’influence qu’il exerce sur la richesse publique ; l’impôt se paie-t-il aisément, sans faire naître de découragement dans la production et la consommation, alors il est bon et il est juste, car la répercussion en est certaine ; il entrera dans le mouvement général de la richesse, pèsera également sur tout le monde et deviendra une charge définitive du revenu brut de la société. Aucun homme réfléchi et de bonne foi ne peut nier qu’à ce point de vue, qui est, l’essentiel, les taxes sur les actes sont moins favorables que celles de consommation. Pourquoi sont-elles mieux accueillies ? Tout simplement parce qu’elles ne sont point mêlées comme les autres aux préjugés et aux passions politiques, et qu’on ne s’en sert pas pour se faire des réclames auprès de la masse électorale ; dès lors les gouvernemens ont beau jeu pour les augmenter autant qu’ils veulent. Mais, si elles excitent moins de plaintes que d’autres, cela ne prouve pas qu’elles soient meilleures, cela prouve seulement que les peuples n’entendent pas toujours bien leurs intérêts.


VICTOR BONNET.