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Quel est l’intérêt de l’état ? Que les compagnies empruntent aux meilleures conditions possibles, afin que l’annuité à couvrir soit moindre. Or, si l’impôt de 3 pour 100 enlève 50 centimes au revenu d’une obligation, les prêteurs ne donneront pas le même capital pour 14 fr. 50 cent, d’intérêts que pour 15 fr. Il faudra emprunter davantage, et la différence retombera à la charge de l’état par la garantie. Aujourd’hui, en vertu de cette garantie, le gouvernement paie aux compagnies une quarantaine de millions par an, et il reçoit de l’impôt sur les valeurs mobilières une somme qui n’est pas même équivalente : elle a été en 1877 de 36 millions. Nous ne prétendons point que, sans l’impôt, la garantie cesserait d’être effective : loin de là ; mais elle aurait lieu pour un chiffre moindre. — À ce droit de 3 pour 100 qui frappe le revenu des valeurs mobilières s’ajoute un autre impôt de transmission qui est de 20 centimes pour 100 fr. du capital coté à la Bourse pour les titres au porteur, et de 50 centimes pour les titres nominatifs, indépendamment de l’impôt spécial au timbre. Tous ces droits réunis font qu’une obligation de chemin de fer au porteur cotée 340 francs subit une retenue de 1 fr. 14 cent, et ne rapporte en réalité que 13 fr. 86 cent, au lieu de 15 francs ; et, s’il s’agit d’une valeur à lots, où la prime de remboursement peut être considérable, comme pour une obligation de la ville de Paris, qui est cotée 500 francs, le revenu descend à 13 fr. 50 cent, au lieu de 15 francs, c’est une réduction de 10 pour 100. On ne peut pas admettre qu’à ce taux l’impôt soit complètement inoffensif. Si on le paie aisément dans les entreprises prospères, il n’en est pas de même dans celles qui ont une existence précaire : la défalcation à faire par suite de l’impôt dans le revenu des titres est en moyenne de 6 à 7 pour 100 ; elles sont donc obligées d’emprunter à un taux plus onéreux. Nous n’irons pas jusqu’à dire que les petites lignes de chemins de fer par exemple qui ont fait faillite, et que l’état vient de racheter, ont été ruinées par ces impôts ; il y avait malheureusement trop de causes pour qu’il en fût ainsi ; cependant il paraîtra étrange que l’état ait perçu pendant plusieurs années un droit ; sur des revenus qui n’existaient pas et qui n’étaient qu’un prélèvement sur le capital. Cet impôt sur les valeurs mobilières offre encore cette particularité qu’il frappe les titres qu’il faudrait le plus ménager : ils émanent d’entreprises qui ont pour base l’association des capitaux, c’est-à-dire la forme de crédit la plus démocratique qu’il y ait, et, au lieu de leur donner une prime d’encouragement, on leur inflige en quelque sorte une pénalité. On conviendra que l’anomalie est bizarre dans un pays de suffrage universel.