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On aura beau dire que la production pour l’intérieur y est seule soumise, que le droit n’est pas perçu quand la marchandise est destinée au dehors ; la distinction est illusoire, les 5 pour 100 grèvent la production sous toutes ses formes. La marchandise, avant de partir pour l’étranger, n’en a pas moins payé les 5 pour 100 sur toutes les matières premières qui ont servi à l’établir. S’il s’agit d’une étoffe, elle les a payés sur la laine, le coton ou la soie qu’on a dû faire venir de plus ou moins loin ; elle les a subis encore sur le combustible qu’on a brûlé dans l’usine, sans parler de l’élévation de la main-d’œuvre qui en résulte aussi ; il faut que tout cela se retrouve dans le prix de vente au dehors. Du reste, la critique que nous faisons de cet impôt est un peu rétrospective, il n’y avait qu’une voix pour le condamner. Il vient d’être aboli, et disparaîtra le 1er juillet prochain.

L’opinion n’est pas aussi sévère à l’égard des deux décimes qui frappent les transports à grande vitesse. De quel droit pourtant l’état vient-il les réclamer ? Veut-il faire payer aux compagnies la faveur qu’il leur a accordée de construire et d’exploiter les chemins de fer ? Cette faveur n’a pas été gratuite ; on en a débattu les conditions dans des cahiers des charges, où l’état ne s’est pas oublié. Il a stipulé par exemple qu’on transporterait au quart de place les marins et les militaires, et pour rien ses propres dépêches. Il imposait en outre des frais de contrôle assez lourds. Enfin les compagnies de chemins de fer paient, comme toutes les autres industries, les taxes générales, l’impôt foncier, l’impôt mobilier, celui de patente, des portes et fenêtres, d’enregistrement, etc. Elles sont de plus assujetties à une taxe spéciale qui a été créée particulièrement contre elles, celle du timbre sur tous les titres qu’elles émettent. N’était-ce pas assez ? La compagnie du Nord, dans son rapport pour 1877, constate que, sur une recette brute de 123 millions, cette compagnie a payé à l’état, tant directement qu’indirectement, une somme de 30 millions. Si on établit la même proportion sur la recette de tous les chemins de fer, qui aujourd’hui dépasse 800 millions, le profit de l’état serait de près de 200. Cela représente environ 25 pour 100 du produit brut ; il n’y a pas une autre industrie qui soit aussi fortement taxée. On aurait pu s’en tenir là et ne pas ajouter les 2 décimes dont nous parlons. On a fait comme pour l’impôt de succession et de mutation, on a jugé que ce serait facile à percevoir, et on n’a pas cherché d’autre raison. On a pensé d’ailleurs que, la taxe se confondant avec le prix du transport, on s’en apercevrait à peine ; cela était déjà très peu vrai avec le premier décime ; on ne paie pas indifféremment 60 centimes au lieu de 50, et 11 francs au lieu de 10 ; mais, quand on y a ajouté le deuxième et qu’il a fallu débourser 70 centimes au lieu de