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propriétés immobilières seraient beaucoup plus nombreuses, au grand avantage de tout le monde. On comprend qu’il y ait une différence dans le droit lorsqu’il s’agit de transmission de valeurs mobilières, et particulièrement d’actions et d’obligations : la force des choses le veut ainsi ; on aurait trop de facilité pour échapper au fisc, si les droits étaient élevés. Mais l’écart, au taux où il est, ne se justifie point. On ne peut pas admettre qu’on prenne 6 pour 100 dans un cas et 2 et même 1/2 pour 100 dans l’autre. Il en résulte que non-seulement les transactions sur immeubles sont plus rares, mais encore qu’elles sont le plus souvent entachées de fraude : on déclare moins que le prix réel. Si le droit était plus modéré, la fraude serait moindre, et il ne serait pas impossible qu’au bout de très peu de temps, avec plus de fréquence dans les mutations, plus de sincérité dans les déclarations, le fisc ne retrouvât à peu près l’équivalent de ce qu’il aurait abandonné. Ainsi, au point de vue de la justice comme au point de vue de l’économie politique, l’impôt de mutation sur les immeubles, tel qu’il existe aujourd’hui, est aussi loin d’être irréprochable.

Est-on plus heureux avec les droits qui grèvent les transports ? Nous éliminons tout de suite ceux qui concernent la poste ; ceux-là sont parfaitement légitimes et représentent l’équivalent d’un service rendu. On peut même trouver qu’ils ne sont pas très élevés, par rapport au service. Pour en demander la diminution, il faut se placer à un autre point de vue et se dire que, l’état ayant un grand intérêt à multiplier les correspondances, intérêt de civilisation d’abord pour faciliter l’échange des idées, intérêt matériel ensuite pour développer les relations commerciales, il fait une chose utile pour lui-même et pour tout le monde lorsqu’il abaisse la taxe des lettres ; c’est ce qui a eu lieu tout récemment sur l’initiative heureuse du ministre des finances, M. Léon Say.

Ce qu’il faut examiner plus attentivement, ce sont les droits que l’état trouve bon de percevoir sur les transports en grande et petite vitesse, particulièrement par chemins de fer ; ces droits sont de 2 décimes ou de 20 pour 100 pour les transports à grande vitesse et de 5 pour 100 pour ceux à petite vitesse. Les premiers ont rapporté, en 1877,76 millions environ et les seconds 23 millions, — en tout près de 100 millions. Il ne faut pas réfléchir longtemps pour être convaincu que cet impôt n’est pas bien fondé. Les 5 pour 100 sur les transports en petite vitesse sont une charge nouvelle ajoutée à la production du pays, et, quand on est serré d’aussi près que nous le sommes par la concurrence étrangère, que toutes les tendances des peuples sont de réduire de plus en plus leurs, frais de production pour se disputer les marchés du monde, ce n’est pas une idée heureuse à coup sûr d’avoir imaginé cet impôt.