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y a quarante ans, et l’état lui-même ne reçoit pas davantage proportionnellement à ses dépenses. Si ce raisonnement était fondé, il faudrait l’appliquer à tous les impôts et non à un seul. Pourquoi n’avoir pas augmenté de même les impôts directs, l’impôt foncier, l’impôt mobilier, l’impôt des portes et fenêtres ? Je ne parle pas de celui des patentes, qui a subi beaucoup d’augmentation pour d’autres raisons. L’hectare de terre devrait aussi payer le double de ce qu’il payait il y a quarante ans, et il serait encore moins taxé proportionnellement au revenu qu’il donne. Il est vrai que depuis cette époque la terre a subi beaucoup de centimes additionnels, mais ces centimes profitent à des dépenses locales et non à l’état. En ce qui concerne celui-ci, l’impôt foncier a été diminué et non augmenté. C’est donc une mauvaise raison à mettre en avant, pour justifier une surtaxe, que d’alléguer les changemens qui se sont opérés dans la valeur des choses et dans le progrès de la richesse. Le rôle d’une bonne administration financière est de profiter de ces changemens, non point pour augmenter les impôts, mais pour leur faire rendre davantage, tout en leur conservant la même base. C’est ainsi qu’on a procédé en Angleterre depuis un certain nombre d’années. On a fait mieux, on a diminué les impôts comme quotité et dans des proportions considérables, et ils rapportent aujourd’hui, par le seul fait de la plus-value, autant qu’ils donnaient avant le dégrèvement. C’est là l’idéal qu’il faut avoir sous les yeux. Malheureusement tous les états ne sont pas en mesure de le réaliser et d’attendre les plus-values ; on a de grands besoins et on va au plus pressé en augmentant les impôts qui paraissent devoir supporter plus facilement une augmentation. Ce qu’on peut dire en faveur du droit de timbre, c’est que, sauf dans quelques cas que nous venons d’indiquer, il se paie en somme assez facilement et ne trouble pas trop la richesse publique. S’il donne 154 millions par an, ce qui est un gros chiffre, ce n’est pas seulement parce que la base en a été élargie et accrue, c’est aussi parce qu’il y a plus de transactions résultant du progrès ’de la richesse. On peut donc en prendre son parti, en désirant toutefois qu’il ne subisse plus de nouveaux accroissemens, car il est arrivé à un maximum qu’on ne franchirait pas impunément.

Passons maintenant à l’impôt d’enregistrement. Ici nous ne sommes plus en plein arbitraire, comme avec l’impôt de timbre. Ce n’est plus la simple fantaisie du législateur qui a fait établir cette taxe plutôt qu’une autre : l’état rend un service en échange duquel il perçoit un droit ; il tient des registres sur lesquels il fait inscrire par abrégé ou in extenso divers actes qui concernent les particuliers ; ces registres sont à la disposition de ceux qui ont besoin de les consulter, et la mention qui s’y trouve fait foi contre les tiers ; on ne peut pas demander à l’état de rendre ce service pour rien.