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l’état ; les billets au porteur, les effets de commerce sont assujettis à la même formalité ; les lettres de voiture, les récépissés de transport, les contrats d’assurance, les affiches sur les murs, etc., doivent être également timbrés ; enfin vous écrivez à une administration publique, à un ministre, à un préfet, pour revendiquer un droit, vous devez le faire sur du papier timbré, sous peine de voir votre lettre non suivie d’effet. Depuis quelques années, on a encore perfectionné cette immixtion du gouvernement dans tous les. actes de la vie sociale, en établissant un timbre mobile sur les reçus de quelque nature qu’ils soient, même lorsqu’ils ne portent pas libération pour le paiement d’une somme d’argent.

Si on n’examine l’impôt qu’au seul point de vue de la rémunération du service rendu par l’état, il est bien évident que celui du timbre est peu fondé. L’état n’ajoute rien à la valeur de l’acte ou du titre sur lequel il met son estampille. S’il s’agit d’une quittance par exemple, la libération résulte du paiement et non du timbre ; et s’il est question d’un billet de banque ou d’un effet de commerce, le timbre n’en assure pas le remboursement. Il n’y a donc pas de service rendu par l’état, à proprement parler, à l’occasion de cet impôt ; le gouvernement use tout simplement de son droit régalien, qui est d’établir des impôts là où il le juge à propos, et toute la question à examiner est dans la quotité de la taxe. Si elle est modérée, personne ne songera à la discuter ; mais si, avec les surtaxes, elle arrive, comme aujourd’hui pour les billets de banque et de commerce, à être de 1 1/2 pour 1000 et qu’elle peut s’appliquer à des milliards, on la discute et on cherche à l’éluder. On y arrive en donnant au chèque un emploi auquel il n’était pas destiné, en le faisant servir au même usage que les effets de commerce. Qu’en résulte-t-il ? D’une part, que l’état perd une partie de ses droits, puisque le chèque n’est pas taxé autant que le billet ordinaire, et d’autre part que le commerce n’est point satisfait non plus parce que le chèque ne lui présente pas absolument les mêmes avantages que le billet à ordre ou la lettre de change. Il y a donc dommage des deux côtés. On peut considérer aussi comme très fâcheux l’abus qui est fait du papier timbré dans les actes de procédure judiciaire et dans les liquidations forcées.

Cet impôt a été beaucoup augmenté depuis un certain nombre d’années ; la simple feuille de papier, qui il y a quarante ans coûtait 35 centimes, vaut maintenant 70 centimes, et la feuille double a passé de 70 centimes à 1 fr. 20 cent. Pour justifier cette augmentation, on dit que l’on a suivi en cela le changement qui s’est opéré dans la valeur des choses et dans le progrès de la richesse ; il n’en coûte pas plus aujourd’hui de payer 70 centimes que 35 il