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reproches que ces mandrins de la révolution permanente ont adressés à Jourde, il nous est prouvé que sa probité n’a pas fléchi, et qu’il a été résolument le complice du père Beslay dans la résolution que celui-ci avait hautement manifestée de protéger le crédit de la France en ne permettant point que l’on portât à la Banque des atteintes trop dures. Je le répète, Jourde ne faisait qu’émettre une incontestable vérité, lorsque le 19 mai il écrivait : « Si je succombais seulement une heure, vous savez ce qui en résulterait. » Il en serait résulté l’anéantissement de 3 milliards[1].


Ces 3 milliards, la Banque, dirigée par M. de Plœuc, conseillée par les régens, fortifiée par son bataillon, défendue contre les convoitises des jacobins par le bon vouloir de Jourde et de Beslay, la Banque a su les conserver ; mais, quoi que l’on ait pu croire, elle n’est pas sortie absolument intacte de la crise invraisemblable qu’elle a traversée en 1871. Elle avait cependant agi avec une ferme prudence, et, lorsqu’elle avait vu que le compte courant de la ville de Paris n’allait pas tarder à être épuisé, elle avait nettement signifié au gouvernement que si l’état ne prenait pas à sa charge les réquisitions qui lui seraient encore imposées, elle refuserait de s’y soumettre et courrait les risques d’une aventure définitive. J’ai cité, on se le rappelle, les lettres qui, à ce sujet, ont été échangées vers la fin dut mois d’avril entre le conseil de la Banque et le ministre des finances. Le messager du sous-gouverneur, M. de Lisa, inspecteur, avait rapporté à cet égard les assurances les plus positives et la formelle approbation de tout ce que la Banque avait fait. Les paroles du ministre pouvaient se résumer ainsi : « Donnez le moins d’argent possible, mais donnez ce qu’il faudra pour éviter un péril sérieux ; les sommes qui vous seront extorquées seront considérées comme des avances faites à l’état, qui vous les remboursera. » C’était fort rassurant, car dans l’état des choses, alors qu’il était moralement impossible de faire approuver publiquement le contrat par une sanction législative, la Banque et le ministre des finances avaient qualité pour traiter. L’une et l’autre le croyaient du moins, car ils étaient de bonne foi. Il paraît qu’ils s’étaient trompés, et l’événement se chargea de le leur démontrer.

Du 20 mars au 23 mai, dominée par les événemens auxquels elle ne pouvait résister, la Banque de France avait payé à la commune révolutionnaire la somme de 16,695,172 francs qui avait été violemment réquisitionnée ; sur ce total, 9,401,819 francs formaient le

  1. Est-ce pour reconquérir l’estime du parti dont Vermesch est l’organe que Jourde a publié en 1877, à Bruxelles, une brochure intitulée : Souvenirs d’un membre de la commune, et dans laquelle il a commis des erreurs trop manifestes pour ne pas paraître volontaires ?