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formulée par ses anciens amis de la commune ; en ceci il prouva que son intelligence était médiocre et qu’il ignorait que le mépris de certaines âmes misérables est un titre au respect des honnêtes gens. Il voulut obtenir une réparation de Vermesch, ce qui était enfantin, et se fit représenter par Avrial et Lefrançais, qui, comme lui, avaient appartenu au parti socialiste, à la minorité de l’Hôtel de Ville. Ce fut peine perdue ; le Vermesch débonda une fois de plus son tonneau de fiel et lâcha sur Jourde une quantité d’insultes vraiment extraordinaire. Sans Vermesch, on n’aurait jamais su ce qu’un communard pouvait contenir de vilenies. Reprenant phrase à phrase tout l’interrogatoire que Jourde a subi devant le 3e conseil de guerre, Vermesch, conclut : « Il résulte donc des pièces qu’on vient de lire que Jourde, de son propre aveu, n’est entré dans la commune de Paris que dans le but de la trahir, de la priver de ses moyens d’action et de la faire tomber le plus vite qu’il lui serait possible, dans les mains de ses ennemis… que, loin de dissimuler son odieuse conduite pendant l’insurrection, il fait au contraire étalage de sa honte et de son infamie… il a feint d’être touché d’un mouvement populaire pour le faire dévier, dût s’ensuivre le massacre de toute une population. » — L’accusation est formelle ; elle est à retenir, car, en la rapprochant de l’opinion émise par Lissagaray, par Paschal Grousset et que j’ai citée déjà, on peut comprendre ce que le parti terroriste, la majorité de la commune, aurait fait de la Banque, si le vieux Beslay et si Jourde ne l’avaient défendue ; non point peut-être pour la sauver d’une façon abstraite, mais parce qu’ils la réservaient à servir de moteur à la machine économiste qu’ils avaient imaginée.

Que ce soit pour un motif, que ce soit pour un autre, ils ont aidé au salut de la Banque de France, et nous devons, en toute probité, leur eh être d’autant plus reconnaissant, que les détritus de la commune ne le leur ont point pardonné. La lutte a été souvent très vive sur ce point dans les conciliabules secrets de l’Hôtel de Ville ; pendant que quelques meurtriers de bas étage, Rigault, Ferré, se jetaient sur les magistrats, les prêtres, les gendarmes, pour assouvir des vengeances aiguës et des haines personnelles, un bon nombre de blanquistes et de jacobins, sans négliger précisément l’incarcération des honnêtes gens, voulaient établir ce qu’ils nommaient la terreur des capitaux, c’est-à-dire faire main-basse sur toutes les grandes compagnies industrielles et financières confisquées au profit de l’état. Dans ce cas, la Banque eût été la première à être dévalisée, et il est fort probable que les metteurs en œuvre du pillage se seraient retirés de là avec quelques rentes pour aller vivre confortablement à l’étranger. Par les