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acquittant ainsi la dette de reconnaissance que la Banque avait contractée envers le délégué de la commune.

Le procès de Beslay fut instruit selon les formes de la jurisprudence des conseils de guerre, et il se passa à ce propos un fait qui n’a peut-être pas de précédens. Quoique Beslay fût absent, les dépositions de tous les témoins en sa faveur furent tellement unanimes qu’il fut l’objet d’une ordonnance de non-lieu. Il eût pu rentrer en France, il préféra rester à Neufchâtel, où il s’était établi, et où il essaya de nouvelles combinaisons financières dont le résultat le plus positif consistait pour lui à ne jamais fermer sa bourse aux réfugiés, qui venaient y puiser souvent. Le parfumeur Babick, enfant du règne de Dieu de l’ordre des prêtres hospitaliers de la religion fusionnienne, tenta de le convertir au dogme qu’il avait inventé entre un pot de pommade et un flacon d’eau athénienne ; mais ce fut en vain, le père Beslay, qui a écrit : « J’étais impérialiste en 1815, libéral en 1830, républicain en 1848, maintenant je suis franchement socialiste, » le père Beslay est mort incorrigible, incorrigiblement bon. Lorsqu’on l’enterra (mars 1878), les réfugiés de la commune voulurent faire quelque sotte manifestation autour de son cercueil ; son fils s’y opposa, et fit bien.


XVI. — ÉPILOGUE.

François Jourde n’eut point le sort de Charles Beslay. Pendant que les grands criminels de la commune se cachaient dans des refuges préparés de longue main et parvenaient à passer les frontières, le délégué aux finances ne trouvait personne qui s’intéressât à lui et n’échappait que par hasard à une exécution sommaire. Il avait suivi le comité, de salut public de l’Hôtel de Ville à la mairie du XIe arrondissement, s’était avec lui transporté à Belleville et avait sans doute présidé à la dernière distribution d’argent (40,100 f.) qui fut faite le samedi 27 mai, au matin, dans une petite maison portant le no 145 de la rue Haxo, entre quelques chefs de la révolte encore présens et prêts à s’échapper vers un abri.

La commune n’est plus, le comité central s’agite encore ; nul ensemble dans les dernières convulsions de la défense ; chacun se bat à sa guise ; quelques énergumènes cherchent leurs complices absens pour les fusiller. À ce moment, Jourde disparaît. Épuisé de fatigue, sur pied depuis six jours, ayant à peine pris quelques heures de repos pendant cette lutte pleine d’angoisses et de crimes, à laquelle, quoi qu’il ait pu dire depuis, il ne s’est pas associé, il entra dans une auberge de la rue du Chemin-Vert, monta dans une chambre au cinquième étage, se jeta sur un lit et s’endormit