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l’exploitation des lignes de la côte et de la ligne entre Yokohama et Shanghaï, en touchant à Osaka et Nagasaki. Après de longs mois d’une concurrence ruineuse, la compagnie américaine du Pacific-Mail, qui faisait le même trajet, a vendu sa flotte aux Japonais, qui font désormais seuls le service postal, mais ne réalisent, comme toujours, que des pertes sur une entreprise montée à trop grands frais.

En résumé, l’Angleterre, l’Amérique, l’Allemagne et la France sont les principales puissances intéressées au commerce japonais ; le Japon demande une infinie variété d’articles à l’industrie européenne et lui offre en échange ses produits agricoles : la soie et le thé. Quant à ses industries nouvelles, malgré la place qu’il essaie de leur donner dans les expositions continentales, elles ne lui rapportent pas encore de quoi couvrir les frais d’installation, et les anciennes n’ont d’importance qui au point de vue de l’art, témoin les chiffres d’exportation suivans : bronzes, 6,808 piastres ; Jaques, 115,225 piastres ; porcelaines, 19,870 piastres. En ajoutant ce qui échappe à la douane, c’est à peine si les bénéfices des arts industriels représenteraient un million de francs.


V

En passant de Chine au Japon, les Européens y ont transporté les habitudes commerciales et le genre de vie qu’ils avaient contractés en Chine. Il ne faut donc pas s’étonner de retrouver dans les factoreries de Yokohama, avec moins de luxe et moins de grandeur, les mêmes mœurs qu’à Shanghaï, légèrement modifiées par la différence de caractère entre les Chinois et les Japonais. L’emploi des intermédiaires, quoique général, est ici moins nécessaire, parce que le négociant japonais ne refuse pas d’entrer en rapports directs avec l’Européen. Cependant, tout chef de maison étrangère a son banto ! qui lui sert d’intermédiaire et de courtier auprès des indigènes, et en même temps un compradore chinois qui tient les comptes-matières, garde les clés du godown (magasin) et surveille les employés japonais. Tandis que le compradore fait peu à peu sa fortune, le banto amasse généralement peu ; mais il exerce son intelligence, étend ses connaissances, et quitte souvent son patron pour tenter les affaires, ou parfois, changeant de terrain, pour se lancer dans la politique ; on en a vu en passe de devenir ministres.

Quand on parcourt les rues de Benten, il n’est pas rare de voir un étranger, assis sur les nattes qui garnissent la boutique d’un marchand de soie, de thé ou de laques, discuter avec son hôte et faire ses achats lui-même ; mais c’est rarement ainsi que se font les grandes affaires : elles passent d’ordinaire par plus de mains.