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sorte de délégation temporaire, l’exercice du pouvoir souverain. C’est par le fait le prince impérial, Frédéric-Guillaume, qui gouverne aujourd’hui la Prusse et l’empire d’Allemagne ; c’est lui qui a reçu officiellement les plénipotentiaires européens, et qui les réunissait hier encore dans un banquet au palais, quelques heures après l’ouverture du congrès.

À quelles résolutions va maintenant s’arrêter le gouvernement allemand pour faire face à cette contagion de régicide, aux excès de propagande démagogique qui conduisent au meurtre ? Il a pu voir sans nul doute dans l’acte de Nobiling la justification presque foudroyante des mesures de préservation qu’il avait proposées, et il reviendra selon toute apparence à ces mesures ou à d’autres semblables. Il n’est point impossible que de tels événemens n’aient le fatal résultat qu’ils ont toujours, que le dernier attentat n’ait quelques conséquences de réaction. Le gouvernement de Berlin a commencé par décider la dissolution du parlement en fixant les élections qui devront être faites aux derniers jours de juillet. C’est devant le nouveau parlement qu’il se réserve sans doute déporter les plans de sauvegarde sociale qu’il paraît méditer et d’accentuer sa politique. Un moment, il est vrai, on a cru pouvoir lui attribuer un autre projet. Le cabinet de Berlin aurait eu, dit-on, la pensée d’entrer en communication avec les autres gouvernemens de l’Europe, de les associer à un vaste système de répression contre les propagandes révolutionnaires, et même de soumettre la question au congrès. À vrai dire, nous ne voyons pas bien ce que pourrait le congrès en pareille affaire. Le congrès a fait ce qu’il pouvait en commençant ses travaux par un témoignage de déférence pour le souverain prussien, en exprimant, sur la proposition du comte Andrassy, « le vœu que la Providence conserve longtemps les jours de l’empereur d’Allemagne. » Au-delà le congrès ne peut rien, il est incompétent et impuissant.

Le temps des systèmes de répression collective est passé, il n’y a plus de sainte-alliance possible. Il n’y a pour les gouvernemens, — et ils peuvent certes tous s’unir mentalement dans cette résolution, — il n’y a, disons-nous, pour les gouvernemens d’autres moyens que de s’armer de vigilance, de donner eux-mêmes l’exemple du respect du droit, de réduire les fauteurs de démagogie à l’impuissance par une politique de fermeté prévoyante et de libérale initiative. La question sociale ou socialiste ne peut donc devenir un objet de délibération diplomatique ; mais, si elle n’a pas sa place au congrès, elle peut certainement avoir son influence. Ces attentats réitérés, les manifestations hostiles dont le prince impérial lui-même, dans un récent voyage à Londres, a été l’objet de la part de quelques Allemands, tout cela est de nature à frapper un homme comme M. de Bismarck. Les propagandes socialistes qui agitent l’Allemagne, qui ne font que grandir, peuvent conseiller au