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d’Orient. Comment est-on arrivé à concilier ces deux interprétations ou du moins à les atténuer de façon à permettre une délibération ? C’est l’œuvre de la mission que le comte Schouvalof est allé dernièrement remplir à Saint-Pétersbourg, et en partie sans doute de l’intervention médiatrice du gouvernement de Berlin. C’est aussi certainement le prix de la fermeté avec laquelle l’Angleterre s’est retranchée sur son inexpugnable terrain, et pour que le cabinet de Londres, après s’être montré résolu à aller jusqu’au bout, ait consenti aujourd’hui à entrer au congrès, il a fallu évidemment qu’il obtînt les garanties qu’il avait tout d’abord réclamées. Le jour où la Russie, éclairée par la mission du comte Schouvalof, persuadée par les conseils du cabinet de Berlin, a été conduite à reconnaître un grand principe de droit européen et n’a plus refusé de livrer au congrès l’œuvre entière de San-Stefano, la difficulté principale disparaissait. Le reste n’était plus qu’une affaire de forme, une question secondaire, et la diplomatie, toujours fertile en euphémismes, en formules évasives, n’a point eu de peine à imaginer un expédient : elle a trouvé ce moyen d’adresser indistinctement et simultanément à tous les cabinets l’invitation de « consentir à admettre la libre discussion de la totalité du contenu du traité de San-Stefano, et de se déclarer prêts à y participer. » L’Allemagne s’est chargée de l’invitation. C’était tout ce que l’Angleterre demandait depuis trois mois, — et de cette façon la Russie n’avait point à souffrir dans sa dignité puisqu’elle avait à répondre à une invitation adressée également à toutes les puissances. C’est ce qui a rendu le congrès possible ; mais qu’on remarque bien ce qu’il a fallu de temps, de subtilités, de négociations intimes et d’efforts pour gagner cette modeste victoire préliminaire, pour en revenir à ce qui n’est après tout que le point de départ, à cette possibilité d’une délibération commune sans laquelle tout resterait livré à la force et au hasard !

Que va-t-il sortir maintenant de ce congrès qui s’ouvre à peine, qui n’est constitué que d’hier ? C’est indubitablement un premier et sérieux avantage que toutes les politiques se trouvent en présence, et que les plus éminens hommes d’état de l’Europe, des chefs de cabinets soient réunis pour délibérer ensemble devant le monde, devant l’opinion universelle. Ce serait cependant aller un peu trop vite de se figurer que tout est fini ou que tout est devenu facile depuis qu’on a réussi à sonir de ces broussailles de préliminaires confus. C’est aujourd’hui au contraire que les vrais difficultés commencent et qu’on va se trouver en face de tous ces périlleux problèmes d’une réorganisation de l’Orient combinée de façon à garantir la sécurité de l’Europe sans mécontenter trop violemment la Russie. Les difficultés, elles sont de toute nature, et de forme et de fond. Il faut bien se souvenir d’abord qu’un congrès n’est point une assemblée parlementaire et qu’un vote de majorité n’a