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LES PARLEMENS SOUS L’ANCIEN RÉGIME.


Elle s’engagea sur des questions fiscales et des édits bursaux. Mazarin fit enfermer à Pignerol le président des enquêtes, et bannit quelques conseillers. Ceux qui restaient libres refusèrent de siéger ; toutes les chambres prirent parti pour les enquêtes, ainsi que la chambre des comptes, la cour des aides, le grand conseil, et signèrent le 13 mai 1648 un acte d’union auquel souscrivirent les parlemens d’Aix et de Bordeaux. Cet acte fut cassé avec défense aux signataires de s’assembler ; ils méprisèrent la défense. Anne d’Autriche, oubliant qu’elle leur devait son titre de régente, répétait qu’elle ne souffrirait pas que cette canaille insultât la majesté royale. La canaille tint bon. Elle réclama des réformes dans l’administration des finances ; Mazarin n’avait pas la conscience nette, il jugea prudent de se ménager des hommes qui pouvaient d’un jour à l’autre dévoiler ses exactions. Dans le lit de justice tenu le 31 juillet 1648, le chancelier fit de nombreuses concessions, sous la réserve que les chambres ne se réuniraient plus sans la permission du roi, ce qui les réduisait à l’impuissance. Le lendemain et les jours suivans de nouvelles réunions furent tenues. Mazarin fit arrêter le président de Blancmesnil et les conseillers Broussel et Charton. Les Parisiens lui répondirent par la journée des barricades (1er et 6 août), et par la fronde.

Jusque-là, le parlement avait eu le beau rôle. Quand Mazarin jetait sans jugement dans les prisons 18,000 individus pour non paiement des tailles, et poussait l’arbitraire à tel point que les gens se regardaient comme ses obligés lorsqu’il ne les faisait pas arrêter, il avait énergiquement protesté, par l’organe du président Jacques de Mesmes, au grand scandale du cardinal-ministre, qui s’indignait a de le voir si fort déclaré pour la sûreté publique. » Il avait combattu les désastreuses mesures fiscales qui « tiraient le pain au pauvre peuple, » et lutté de tous ses efforts contre une tyrannie qui, sans avoir le caractère cruel de celle de Richelieu, n’en faisait pas moins peser sur la nation un joug intolérable ; mais, en entrant dans la fronde, il échange le rôle de justicier et de légiste, qui faisait sa gloire, contre le rôle d’émeutier. Il force deux fois la reine mère à quitter Paris ; il s’allie tour à tour au peuple, aux courtisans qui le méprisent, à la noblesse qu’il déteste. Il lève des troupes, nomme des généraux, met à prix la tête de Mazarin en offrant aux assassins une prime de 150,000 livres et s’attribue, pour percevoir des impôts forcés, l’autorité qu’il refuse au roi et à ses ministres. Il s’allie avec l’étranger comme au temps de la ligue, et quand il a déchaîné pendant cinq ans la guerre civile, mis hors la loi le gouvernement légal sans le remplacer autrement que par l’anarchie, combattu le despotisme sans faire rien de durable